37.
Écoute, roi de Thrace, comme un des plus grands rois,
Tu contraindras la ville à respecter les lois.
Après l’avoir soumise à ton obéissance,
Du terrible lien tu croîtras la puissance.
Tout le pays vaincu sans effort et sans bruit
De ta prompte valeur sera le juste fruit.
Mais, par un changement des tristes destinées,
Ton bonheur ne sera que de fort peu d’années;
Tu verras après toi ton trône renversé,
Tes ennemis vainqueurs et ton sceptre brisé.
En vain contre du loup la cruelle colère
Armeras-tu des chiens la rage meurtrière.
Par un ordre du ciel qu’il te faut respecter
L’orgueil des Bithyniens Il saura bien dompter.
Avec, les habitants de l’ancienne Byzance
Auront entre les mains le sceptre et la puissance.
L’Hellespont, trop heureux de vivre sous leurs lois,
Dans un profond silence écoutera leur voix.
Le loup assujetti, malgré toute sa rage,
Sera saisi de peur et craindra leur courage.
Mes voisins savent trop combien j’ai de pouvoir
Et le redoutait tous autant que mon savoir.
Aussi ne veux-je pas que les races futures
Ignorent des secrets ni rien des aventures
Dont de mon cher père l’incroyable bonté
A reconnu mon rôle et ma fidélité;
La Thrace devenue en malheurs trop féconde,
Les fera déborder sur la terre et sur l’onde.
Cet oracle marque, bien qu’obscurément, que les peuples de Bithynie doivent être accablés de malheurs qui procèderont du poids insupportable des impositions publiques, et que la puissance de ce monde tombera entre les mains des habitants de la ville de Byzance. Que si cet oracle n’est pas encore accompli, bien qu’il y ait déjà longtemps qu’il est prononcé, que personne ne s’imagine pour cela qu’il doive être expliqué d’une autre sorte. Car quelque long que le temps paraisse, il est fort court à l’égard de Dieu qui est éternel. Voilà la pensée que j’ai eue touchant cet oracle. Si quelqu’un prétend qu’il le faille entendre en un autre sens, je n’empêche point qu’il n’ait la liberté de ses sentiments.