7.
Il y avait parmi les Barbares un homme d’une taille extraordinaire, et d’un courage égal à sa taille, qui avait accoutumé de courir et de piller avec eux. Cet homme ayant quitté sa nation pour s’établir chez les Gaulois, sujets des Romains, demeurait à Trêves, la plus grande ville qui soit au-delà des Alpes. Ayant vu, avant que Julien eût reçu le pouvoir de commander en ces pays là, que les Barbares couraient et pillaient les terres qui sont au-delà du Rhin, il avait en envie de réprimer leur insolence; mais comme il n’était point autorisé, il se cachait au commencement dans les bois, et lorsque les Barbares étaient accablés de vin et de sommeil, il coupait la tête au plus grand nombre qu’il pouvait, et les apportait dans la ville. Les Barbares étaient étonnés de voir diminuer leurs troupes, sans savoir d’où venait celle diminution. D’astres voleurs s’étant joints à Charjetton, car c’est ainsi qu’il s’appelait, et sa troupe s’étant fort grossie, il déclara son secret, qui n’était su auparavant que de fort peu de personnes. Julien ayant considéré combien il lui était difficile d’empêcher les brigandages que les Barbares exerçaient durant la nuit, parce qu’ils se dispersaient de côté et d’autre, et que dès la pointe du jour ils se cachaient dans les bois pour y manger ce qu’ils avaient amassé, se trouva obligé d’employer contre eux cette troupe de voleurs, aussi bien qu’une milice réglée. Ayant donc reçu Charjetton et sa suite, et ayant joint à eux quelques Saliens, il les envoya réprimer durant la nuit les brigandages des Quades, et il posa des soldats en embuscade durant le jour, pour tuer ceux qui ne seraient échappés des mains de Charjeuon. On continua longtemps de la sorte; alors les Quades voyant leur multitude réduite à un petit nombre, et n’ayant plus aucun moyen de se maintenir, se rendirent avec leur roi. Rien que Julien eût entre ses mains quantité de prisonniers, et principalement le fils de ce roi que Charjetton avait pris; il ne laissa pas de leur demander en otage quelques personnes des plus illustres de leur nation et le fils du roi. Ce prince affligé et réduit à la déplorable nécessité de supplier son ennemi, lui ayant juré avec larmes qu’il avait été assez malheureux pour le perdre, aussi bien que plusieurs de ses sujets, alors Julien, touché de sa douleur, le lui montra plein de santé et de vigueur, le retint en otage, reçut avec lui des premiers de la nation, et leur accorda la paix, à la charge qu’ils n’exerceraient plus aucun acte d’hostilité contre les Romains.