8.
Julien ayant terminé de la sorte toutes ces affaires, enrôla les Saliens, une partie des Quades et quelques-uns des habitants de Batavie; et il y a encore aujourd’hui des légions qui portent leurs noms.
L’empereur Constance était cependant occupé en Orient contre les Perses. Les provinces de delà les Alpes jouissaient d’une heureuse tranquillité, par la sage conduite de Julien. L’Italie et l’Illyrie étaient en sûreté par l’appréhension où étaient les Barbares qui habitent vers le Danube que Julien ne traversât la Gaule, et ne passât ce fleuve pour les attaquer.
Les choses étant dans cet état, les Perses, qui étaient alors commandés par Sapor, firent le dégât dans la Mésopotamie, mirent tout à feu et à sang aux environs de Nisibe, et entreprirent le siège de cette ville. Mais quelque danger qu’elle eût couru d’être prise, elle en fut délivrée par l’adresse de Lucilien, son gouverneur, et par le bonheur qui seconda son adresse. Il est inutile que j’en fasse le récit, puisque Julien en a rapporté les circonstances particulières dans un ouvrage que personne ne saurait lire sans admirer l’éloquence de ce prince.
Lorsque l’Orient semblait jouir d’une paix profonde, et que la réputation de Julien était si bien établie que toutes les bouches publiaient ses louanges, Constance en conçut de la jalousie; et, ne pouvant supporter l’éclat de la gloire qu’il avait acquise dans les Gaules et en Espagne, chercha un prétexte honnête de diminuer ses troupes en peu de temps et sans bruit, et de le dépouiller ensuite de sa dignité. Il lui manda donc qu’il lui envoyât deux de ses légions, feignant d’avoir besoin de leur service. Julien qui ne savait rien de l’intention de l’empereur, et qui d’ailleurs ne lui voulait donner aucun sujet de se mettre en colère, obéit à son ordre avec une entière soumission, et ne laissa pas pourtant d’accroître de jour en jour son armée, et d’imprimer une telle terreur de son nom, que les Barbares qui habitaient à l’extrémité des frontières ne songeaient à rien moins qu’à prendre les armes. Constance demanda bientôt après d’autres troupes à Julien, et les ayant obtenues, il lui commanda encore de lui envoyer quatre compagnies. Julien n’eut pas sitôt reçu ce dernier ordre, qu’il commanda aux soldats de se tenir prêts pour partir.
