11.
Il reçut à Sirmium des députés de toute la Grèce, auxquels ayant fait des réponses fort obligeantes, il joignit à l’armée qu’il avait amenée des Gaules d nouvelles troupes amassées à Sirmium, en Pannonie et en Moesie, et continua sa marche. Quand il fut arrivé à Naisse. Il consulta les devins pour savoir ce qu’il devait faire. Les devins lui ayant dit qu’il devait s’arrêter quelque temps, il déféra à leur réponse, et observa le temps qui lui avait été prédit en songe; et lorsque ce temps-là fut arrivé, une troupe de cavaliers lui rapporta que Constance émit mort, et que l’armée l’avait proclamé empereur. Acceptant avec reconnaissance cette faveur signalée du ciel, il s’avança vers Constantinople, où il fut reçu aux acclamations du peuple qui l’appelait le citoyen et le nourrisson de cette ville, et qui se promettait une heureuse abondance de toutes sortes de biens sous son règne.
Il prit un soin égal de la ville et de l’armée. Il honora la ville d’un sénat semblable à celui de Rome, et il l’embellit d’un port qui met ses vaisseaux en sûreté coutre les dangers qui sont à craindre du côté du nord. Il fit bâtir une galerie en forme de sigma, qui touche par un bout au port, et une bibliothèque dans les palais, où il mit quantité de livres. Il se prépara après cela à la guerre contre les Perses. Après avoir passé dix mois à Constantinople, il nomma Hormisdas et Victor généraux des troupes, leur donna des officiers et des soldats, et partit pour Antioche. Il n’est pas besoin de décrire le bon ordre avec lequel ses troupes marchèrent. Des soldats qui avaient l’honneur de servir sous un aussi grand prince que Julien n’avaient garde de manquer d’observer une exacte discipline. Le peuple le reçut avec joie, mais comme ce peuple aimait passionnément les spectacles, et qu’il avait plus d’inclination pour ces divertissements que pour aucune occupation sérieuse, il ne put s’accommoder à l’humeur sévère d’un empereur qui montrait beaucoup d’éloignement pour les théâtres, et qui ne donnait que peu d’instants de sa journée aux jeux, quand il lui arrivait d’y assister. Ils ne purent s’empêcher d’en témoigner leur ressentiment par des paroles qui lui déplurent extrêmement. Mais au lieu d’en châtier l’insolence, il se contenta de s’en railler par un discours fort délicat qu’il composa contre eux, et qui, les ayant rendus également odieux et ridicules à toute la terre, leur donna sujet de se repentir de leur faute. Ayant soulagé la ville, et lui ayant accordé un grand nombre de décurions qui devaient occuper cette charge, par droit d’hérédité, même pour les enfants de leurs filles, privilège dont jouissent bien peu de villes municipales, il se prépara à marcher contre les Perses.