25.
Il parut en même temps sur l’autre bord du fleuve une armée nombreuse de Perses, tant de cavalerie que d’infanterie, pour en disputer le passage à ceux qui voudraient l’entreprendre. La vue des ennemis augmenta l’envie que l’empereur avait de passer, et fut cause qu’il commanda en colère aux chefs de monter sur les vaisseaux. Mais quand ils considérèrent que l’autre bord était fort élevé, et que d’ailleurs il était fortifié par une haie qui avait été faite autrefois pour clore les jardins du roi, et qui servait alors comme d’une muraille, ils avouèrent qu’ils avaient peur que les ennemis ne jetassent sur eux, de haut en bas, des traits et des matières enflammées. L’empereur ayant commandé absolument de passer, deux vaisseaux chargés de troupes passèrent, et furent à l’heure même consumés par les feux des Perses. L’armée étant alors plus épouvantée qu’auparavant, l’empereur couvrit sa faute par le stratagème de s’écrier en disant: « Ils sont maîtres du bord. Le feu qui paraît est le signal que je leur ai commandé de nous donner de leur victoire. » Les soldats, trompés par ce stratagème, montèrent à l’heure sur les vaisseaux, quelques-uns même passèrent à gué, sa battirent vaillamment, gagnèrent le bord, reprirent leurs deux vaisseaux à demi brêlés, et sauvèrent quelques-uns de ceux qui étaient dedans. Les deux armées en étant ensuite venues aux mains le combat dura depuis le milieu de la nuit jusqu’au milieu du jour suivant. Mais enfin les Perses prirent la fuite, et les soldats ne firent qu’imiter leurs chefs. Pigraxe était le premier en naissance et en dignité, après le roi; et les autres étaient Anarée et le suréna même. Les Romains et les Goths poursuivirent vivement les fuyards, en tuèrent un grand nombre, enlevèrent une quantité incroyable d’or et d’argent, d’habits, d’équipages, d’ornements, de meubles précieux. Deux mille cinq cents Perses demeurèrent morts sur la place, et soixante-quinze Romains au plus. La blessure de Victor, chef de l’armée romaine, tempéra un peu la joie de la victoire.