30.
L’empereur Théodose, voyant que les armées étaient fort diminuées, permit aux Barbares qui habitent au-delà du Danube de le venir trouver, et leur promit de les enrôler parmi ses troupes. Ils vinrent en grand nombre à dessein d’attaquer les Romains, s’ils se trouvaient les plus forts, et de les assujettir à leur puissance. L’empereur considérant qu’ils surpassaient ses soldats en nombre, et qu’il serait malaisé de leur résister, s’ils entreprenaient de violer les conditions sous lesquelles ils avaient été reçus, résolut d’en envoyer une partie en Égypte, et de rappeler d’Égypte une partie des garnisons, dont ils rempliraient la place. Cet échange ayant été fait de la sorte, les troupes rappelées d’Égypte ne firent aucun désordre, et payèrent tout ce qu’elles prirent, au lieu que les Barbares ne payèrent rien, et enlevèrent les vivres dans les marchés avec la dernière insolence. Les uns et les autres se rencontrèrent à Philadelphie, ville de Lydie, où les Égyptiens qui étaient en moindre nombre que les Barbares observaient exactement l’ordre qui leur avait été donné par leurs chefs, et où les Barbares prétendaient avoir droit d’en user d’une autre manière. Un marchand ayant demandé le prix de sa marchandise, un Barbare, au lieu de la payer, lui donna un coup d’épée; le marchand ayant crié au secours, celui qui se présenta pour le secourir fut blessé aussi bien que lui. Les Égyptiens, touchés de pitié prièrent les Barbares de s’abstenir de ces violences qui convenaient mal à des personnes qui témoignaient vouloir-vivre selon les lois romaines.
Mais au lieu de déférer à leurs prières, ils firent main basse sur eux, et alors les Égyptiens n’étant plus maîtres de leur colère, fondirent sur ces Barbares, en tuèrent plus de deux cents, dont quelques-uns tombèrent dans un égout. Les Égyptiens leur ayant fait connaître par cet exploit que s’ils n’étaient plus modérés il se trouverait assez de gens qui réprimeraient leur insolence, ils se séparèrent et continuèrent leur chemin. Les Barbares étaient commandés par Hormisdas, fils de cet Hormisdas qui avait fait la guerre sous Julien contre les Perses.