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Promotus, qui commandait l’infanterie de Thrace, étant allé au devant d’Oedothée qui avait amassé une multitude prodigieuse d’habitants des bords du Danube et d’autres peuples plus éloignés, les défit de telle sorte, que plusieurs furent noyés dans le fleuve, et qu’il fut impossible de compter ceux qui moururent dans la plaine.
L’état de la Thrace étant tel que je viens de le représenter, Gratien fut accueilli de fâcheux accidents. Ayant suivi les conseils de ceux qui ont accoutumé de corrompre les mœurs des princes, il reçut les Alains et d’autres étrangers, les mit parmi ses troupes, leur fit des présents, et les considéra si fort, que ses soldats en conçurent de la jalousie et de la haine, et commencèrent à se soulever, et principalement ceux qui étaient en Grande-Bretagne, qui de leur naturel étaient plus portés à la colère et à la révolte que les autres. Maxime, espagnol de nation, qui, ayant autrefois servi en Angleterre avec Théodose, avait dépit de le voir sur le trône, et d’être demeuré dans sa première condition, accrut la haine des gens de guerre contre lui, se fit proclamer empereur, et ayant couvert l’Océan de vaisseaux s’approcha de l’embouchure du Rhin. Les soldats entretenus le long de ce fleuve dans la Germanie et dans les provinces voisines ayant approuvé sa proclamation, Gratien se présenta pour le combattre. Les deux armées firent des escarmouches durant cinq jours: mais Gratien ayant vu que la cavalerie des Maures, et les autres à leur exemple, prenaient le parti de Maxime, s’enfuit avec trois cents cavaliers vers les Alpes et de là vers la Rétie, le Noric, la Pannonie, et la Moesie supérieure. Maxime l’envoya poursuivre par Andragathe, natif des environs du Pont-Euxin, qu’il tenait pour son ami. Celui-ci l’ayant rencontré comme il était près de passer un pont à Sigidun, le prit, le tua, et assura par sa mort l’empire à Maxime.
