39.
Promotus ayant appris le dessein des ennemis de la bouche de ceux qu’il avait envoyés vers eux sous prétexte de le trahir, rangea ses vaisseaux de telle sorte que les proues étaient opposés aux proues. Il mit trois vaisseaux de front, et étendit si fort sa flotte en long, qu’elle occupait vingt stades du bord, et boucha par ce moyen le passage à ceux qui étaient vis-à-vis de lui, et étant allé au devant des autres, il les coula à fond. Comme la lune ne rendait aucune lumière, et que les Barbares ne savaient rien de la disposition de la flotte romaine, ils montèrent sur leurs bateaux sans faire de bruit. A l’heure même, ceux qui les avaient trahis ayant averti Promotus, et le signal ayant été donné, ou fit avancer les grands navires, qui faisaient couler à fond tous ces bateaux, sans qu’aucun des soldats qui tombaient dans l’eau se pût sauver, à cause de la pesanteur de ses armes. Les bateaux qui évitèrent les Romains qui voguaient, rencontrèrent ceux qui étaient rangés le long du rivage, et en furent chargés de traits, sans qu’il y eût de moyen de les forcer. Le carnage fut plus grand en ce combat qu’en aucun autre dont on ait jamais entendu parler. On vit le fleuve tout rempli de corps morts et d’armes qui peuvent nager sur l’eau. Ceux qui purent gagner le bord à la nage, y périrent par le fer.
La fleur de l’armée des Barbares ayant été enlevée, les soldats se chargèrent du butin et prirent quantité d’enfants, de femmes et de meubles. Promotus ayant su que l’empereur Théodose était proche, souhaita de l’avoir pour témoin de sa victoire. Théodose ayant admiré la multitude des prisonniers et du butin, mit les prisonniers en liberté et leur fit des présents, à dessein d’attirer par cette libéralité les étrangers à son parti, et de se servir d’eux dans la guerre qu’il méditait contre Maxime. Promotus demeura en Thrace, veilla à la garde de ses places, et se prépara secrètement à la guerre dont je viens de parler.
Je ne dois pas omettre un événement assez semblable qui arriva dans le même temps.