48.
Lorsque Théodose retourna à Thessalonique, il trouva la Macédoine pleine de troubles. Les Barbares qui s’étaient cachés dans les forêts et dans les marais, de peur de tomber entre les mains des Romains, prirent l’occasion de la guerre civile pour faire irruption en Macédoine et en Thessalie. Mais au bruit de la victoire et du retour de l’empereur, ils retournèrent se cacher dans leurs forêts d’où ils sortaient fort souvent pour courir et pour piller, de sorte que l’empereur s’imaginait que c’étaient des fantômes plutôt que des hommes. Il ne découvrit à personne l’inquiétude que ces courses lui donnaient. Mais ayant pris avec lui cinq cavaliers, qui menaient chacun trois ou quatre chevaux en main pour en changer quand il lui plairait. Il alla à la campagne sans être connu, et quand il avait besoin de vivres il en prenait chez les paysans. Etant un jour descendu dans la maison d’une vieille, il lui demanda à boire. Cette vieille l’ayant reçu fort civilement, et lui ayant présenté du vin et le peu qu’elle avait, il demanda à coucher chez elle. Comme il était couché il aperçut un homme dans un coin, qui ne disait mot, et qui semblait avoir dessein de se cacher, de quoi s’étant étonné, il appela la vieille et lui demanda qui il était. Elle lui répondit qu’elle n’en savait rien, qu’elle savait seulement que depuis qu’on avait reçu la nouvelle de l’arrivée de l’empereur Théodose avec son armée, cet homme avait toujours logé chez elle, et l’avait payée chaque jour, qu’il était sorti tous les matins et était allé où il lui avait plu, et qu’étant revenu les soirs il avait soupé, et s’était couché comme il le voyait. L’empereur n’ayant pas cru devoir négliger ce discours sans en approfondir la vérité, se saisit de l’homme et lui demande qui il était. Comme il ne voulait rien répondre, on le fit fustiger, et la douleur des coups ne pouvant tirer aucune parole de sa bouche, l’empereur commanda aux cavaliers de le piquer avec la pointe de leurs épées, et de lui déclarer qu’il était Théodose. Alors il déclara qu’il était l’espion des Barbares, qui étaient cachés dans les marais, et qu’il les avertissait des lieux et des personnes qu’ils devaient attaquer. Théodose lui fit à l’heure même couper la tête, et ayant joint son armée qui était proche, il l’amena à l’endroit où il savait qu’étaient les ennemis, et ayant fondu sur eux, il les tua presque tous; les uns après les avoir tirés hors du marais, et les autres dans l’eau même.
