10.
Bargus fut récompensé du commandement d’une cohorte, pour avoir délivré Eutrope des soupçons et des craintes que lui donnait le mérite de Timase. Il fut fort content d’avoir cette charge dont le revenu était considérable, et il se flattait de l’espérance de parvenir un jour à quelque autre plus relevée. Mais il ne songeait pas qu’Eutrope ne pouvait pas attendre qu’il eût plus de reconnaissance pour lui qu’il n’en avait eu pour Timasius. Aussitôt qu’il fut parti pour aller remplir sa charge, on conseilla à sa femme, avec qui il était en mauvaise intelligence, de présenter contre lui des mémoires à l’empereur. La nouvelle de cette accusation étant venue aux oreilles d’Eutrope, il fit arrêter Bargus qui fut convaincu et condamné. Il n’y eut personne qui n’admirât et qui ne bénit l’œil de la justice divine, à la vue duquel aucun crime ne peut échapper.
Eutrope étant comme enivré par l’orgueil que donnent les richesses, et s’imaginant toucher les nues de la tète, entretenait des espions parmi toutes les nations, pour s’informer de tout ce qui s’y passait, et pour s’instruire de l’état des affaires et de la fortune des particuliers. Enfin il n’y avait rien dont il ne tirât du profit. S. jalousie et son avarice l’excitèrent à la ruine d’Abundantius. C’était un homme natif de Scythie, province de Thrace, qui avait porté les armes dès le règne de Gratien, qui avait obtenu de grandes charges de Théodose, et qui avait été désigné préteur et consul. Eutrope ayant donc résolu sa perte, obtint une lettre de l’empereur pour le reléguer à Sidon, en Phénicie, où il finit ses jours.