30.
Stilicon ayant conclu de la sorte la paix avec Alaric, se prépara à partir pour mettre à exécution les desseins qu’il avait dans l’esprit. L’empereur témoigna vouloir aller à Ravenne, pour voir l’armée et pour la haranguer, bien qu’en cela il suivit moins son inclination que le conseil de Sérène, qui était bien aise qu’il fût en sûreté, au cas qu’Alaric se rendit maître de Rome, et qui veillait avec d’autant plus de soin à la conservation de ce prince, qu’elle était persuadée que la sienne propre en dépendait.
Stilicon, qui n’approuvait point du tout ce voyage, fit ce qu’il put pour le traverser; mais l’empereur s’étant opiniâtré à le faire, Sarus, étranger qui commandait dans Ravenne une compagnie composée de soldats de sa nation, excita par l’ordre de Stilicon un tumulte hors de la ville, non pour troubler les affaires, mais pour détourner l’empereur d’y entrer. Comme l’empereur persistait dans son sentiment, Justinien, célèbre avocat de Rome, et qui avait été fait assesseur par Stilicon, pénétra par la subtilité de son esprit le motif de ce voyage, et jugea que les soldats qui étaient à Pavie, et qui n’aimaient point Stilicon, ne manqueraient pas de le mettre en grand danger, le prince y arrivant, et ne cessa de lui conseiller de faire tout œ qu’il pourrait pour détourner l’empereur de cette entreprise. Mais ayant reconnu que l’empereur ne se rendait point aux raisons de Stilicon, il se retira de peur d’être enveloppé dans sa ruine, à cause de l’amitié dont il était uni avec lui.