31.
La nouvelle de la mort de l’empereur Arcadius avait déjà été apportée à Rome; mais comme elle semblait encore incertaine, elle fut confirmée depuis le départ d’Honorius. Stilicon étant à Ravenne, l’empereur, qui était à Bologne, ville d’Emilie, distante de soixante dix mille de cette ville, manda Stilicon pour réprimer l’insolence des soldats qui avaient fait une sédition durant le voyage. Stilicon ayant assemblé l’armée, dit non seulement que l’empereur leur commandait de se tenir en repos, mais qu’il voulait qu’ils fussent décimés Ces menaces les étonnèrent si fort, qu’ils le conjurèrent avec larmes d’implorer pour eux la clémence de l’empereur, ce qu’il leur promit de faire; et il le fit en effet de telle aorte qua l’empereur leur pardonne.
Stilicon avait dessein d’aller en Orient pour mettre ordre aux affaires de Théodore, fils d’Arcadius, qui, dans la faiblesse de son âge, avait besoin de la conduite d’un tuteur. L’empereur avait aussi dessein d’y aller pour le même sujet; mais Stilicon, n’en étant point d’avis, l’on détourna sous prétexte d’éviter les frais d’un si long voyage. Il lui représenta aussi qu’il n’y avait point d’apparence qu’il abandonnâtt Rome et l’Italie dans le temps que Constantin s’armait à Arles, après avoir couru et subjugué toutes les Gaules; que bien que cette affaire-là pût demander toute seule la présence et les soins de l’empereur, l’arrivée d’Alaric le demandait aussi, ce perfide qui ne manquerait jamais d’envahir l’Italie avec les étrangers qu’il commandait, s’il la trouvait dépourvue de troupes; que le meilleur conseil et le plus utile à l’état était d’envoyer Alaric contre l’usurpateur, avec partie des troupes étrangères et avec les troupes romaines commandées par leurs chefs, et que pour lui il irait porter en Orient les ordres de l’empereur. Honorius ayant enfin approuvé cet avis, fit expédier des lettres qu’il écrivait à l’empereur d’Orient et à Alaric, et partit de Bologne, cette résolution ayant été prise, Stilicon ne se mit en aucun devoir de l’exécuter. Il ne partit point pour l’Orient, il n’envoya pas même à Ravenne une partie des gens de guerre qui étaient à Pavie, de peur qu’ils ne vissent l’empereur en passant, et qu’ils ne l’aigrissent contre lui.