LXIII.
La chair ressuscitera donc, non-seulement toute chair, mais la même, et dans son intégrité. En quelque lieu qu'elle soit, elle est en dépôt sous la main de Dieu, dans Jésus-Christ, ce fidèle « arbitre entre Dieu et l'homme, » qui rendra Dieu à l'homme, l'homme à Dieu, l'esprit à la chair, et la chair à l'esprit: il a réuni l'un et l'autre dans sa personne, donnant une épouse à l'époux, et un époux à l'épouse. Si on prétend que l'âme est l'épouse, dès lors la chair suivra l'âme, ne fût-ce qu'à litre de dot. L'ame ne sera point une prostituée pour que son époux la reçoive dépouillée et nue. Elle a son entourage, sa parure, son esclave; c'est la chair: la chair l'accompagnera donc comme une sœur de lait.
Mais il est vrai que la chair est l'épouse qui, par le sang, s'est unie en Jésus-Christ, son époux. Ce que tu prends pour sa mort n'est que sa retraite, sache-le bien; L'âme n'est pas toute seule mise à l'écart. La chair aussi a ses retraites, au fond des eaux, dans les flammes, dans les oiseaux, dans les bêtes féroces. Lorsqu'elle semble se dissoudre en ces substances, elle s'y écoule comme dans un vase. Le vase lui-même vient-il à manquer? S'en échappant encore, elle retourne à travers ces vicissitudes dans la terre, sa première origine, pour que, sorti de son sein, Adam se représente à Dieu, prêt, à entendre encore celle parole: « Voilà qu'Adam est devenu comme l'un de nous, » véritablement éclairé alors sur le mal qu'il a évité, et sur le bien qu'il a conquis. O âme, pourquoi porter envie à la chair? Point de prochain que tu doives chérir davantage après le Seigneur. Personne qui soit plus ton frère, que celle qui renaît avec toi en Dieu. Que dis-je? Tu aurais dû obtenir pour elle la grâce de la résurrection; si elle a péché, c'est par loi. Mais faut-il' s'étonner que tu haïsses celle dont tu as répudié l'auteur, celle que tu as coutume de nier ou d'altérer dans le Christ, dénaturant par conséquent, soit par les mutilations, soit par tes |540 interprétations, le Verbe de Dieu, qui s'est fait chair, et alléguant même les mystères apocryphes, tables pleines de blasphèmes?
Mais le Dieu tout-puissant pourvut par sa grâce à l'esprit d'incrédulité et d'imposture, « en répandant vers la fin des temps son esprit sur toute chair de ses serviteurs et, de ses servantes. » Il ranima la loi à la résurrection de la chair, que l'on essayait d'ébranler; enfin, par des paroles ou des explications lumineuses, il dissipa les équivoques ou les obscurités des anciens récits1. Comme il fallait qu'il y eût des hérésies pour éprouver les fidèles, et que les hérésies ne pouvaient rien entreprendre sans mettre en avant quelques Ecritures, il semble que les livres anciens leur aient fourni certains arguments, que détruit toutefois la lettre même de ces livres. Mais comme il ne fallait pas que l'esprit différât plus long-temps la dernière effusion de ces paroles puissantes qui répandissent des semences, pures de toute malice de l'hérésie; que dis-je? qui arrachassent même sa vieille ivraie: par ce motif, il dissipa toutes les ténèbres des temps passés, et toutes les prétendues paraboles, par une explication claire et manifeste de tout le mystère, au moyen de la nouvelle prophétie qui découle du Paraclet. Si tu puises à ces sources, tu n'auras plus soif d'aucune autre doctrine; la fièvre des disputes qui te dévore s'éteindra; en buvant de toutes parts la résurrection de la chair, tu seras rafraîchi.
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Tertullien appelle instrument l'ancien ou le nouveau Testament. ↩