XV.
Mais quand tous les peuples adoreraient les mêmes dieux, quoi donc? Parce que la plupart confondent Dieu avec la matière, ne savent point distinguer l'intervalle qui les sépare, adressent des prières à de vains simulacres, nous qui savons discerner et séparer ce qui est incréé et ce qui est créé, ce qui est et ce qui n'est point, ce qui se conçoit par l'esprit ou se conçoit par les sens, et donner à chaque chose le nom qui lui convient, irons-nous aussi adorer d'absurdes simulacres? Certes, nous en convenons, si Dieu et la matière ne sont qu'une seule et même chose, désignée sous deux noms différents, il est évident que nous sommes des impies, de ne point adorer la pierre, le bois, l'or et l'argent; mais si, au contraire, il se trouve entre l'un et l'autre une aussi prodigieuse différence que celle qui existe entre l'ouvrier et la matière placée sous sa main, pourquoi nous faire un crime de le reconnaître?
Or, qui ne voit que la matière est, à regard de Dieu, ce que l'argile est à l'égard du potier? L'argile est la matière, le potier est l'ouvrier.
L'argile par elle-même ne peut se convertir en vases sans le secours de l'art, de même que la matière capable de recevoir toutes les formes n'aurait reçu, sans Dieu, ni forme, ni figure, ni ornement. Si donc nous ne mettons point le vase de terre au-dessus du potier, ni les vases d'or au-dessus de celui qui les a faits; mais si nous louons l'ouvrier quand il a su donner quelque élégance à ces vases, et si tout le mérite de l'œuvre revient à l'ouvrier, ne devons-nous pas aussi, quand il s'agit de la matière et de Dieu, attribuer non pas à l'ouvrier l'honneur et la gloire des merveilles du monde, mais bien à Dieu, qui créa la matière elle-même? On aurait raison de dire que nous ne connaissons point le vrai Dieu, si nous faisions autant de dieux qu'il y a de formes différentes dans la matière ; car alors nous confondrions l'Être-Suprême, incorruptible et éternel, avec la matière périssable et sujette à la corruption.