XVI.
Ce monde, sans doute, est admirable, soit par sa grandeur, puisqu'il embrasse tout, soit par la disposition des astres qui sont dans le zodiaque et de ceux qui roulent au¬tour du pôle, soit enfin par sa forme sphérique; ce n'est point lui cependant, c'est son auteur qu'il faut adorer. En effet, grands princes, les sujets qui vous abordent pour vous demander quelque grâce ne s'arrêtent pas à contempler la magnificence de votre palais : avant de saluer les maîtres dont ils viennent implorer le secours, ils se contentent de jeter un coup-d'œil en passant sur la demeure royale; ils en admirent les riches ornements, tandis qu'ils vous rendent à vous-mêmes toutes sortes d'honneurs ; encore faut-il remarquer cette différence, que vous, princes, vous bâtisse et décorez vos palais pour votre propre usage, tandis que Dieu a créé le monde sans en avoir aucun besoin. Car il est lui- même toutes choses, lumière inaccessible, monde parfait, esprit, puissance et raison. Ainsi donc, que le monde soit, si l'on veut, un instrument harmonieux, dont le mouvement est parfaitement réglé, ce n'est point l'instrument que j'adore, mais bien celui qui en tire et modifie les sons à son gré, et qui produit la variété de ses accords; de même que ceux qui président aux jeux ne laissent point de côté les musiciens pour couronner leurs harpes. Que le monde soit encore, comme l'a dit Platon, le chef-d'œuvre de Dieu, tout en admirant sa beauté, je m'élève vers son auteur : qu'il soit la substance corporelle de Dieu, comme le veulent les péripatéticiens, nous nous garderons bien d'abandonner le culte dû au Dieu qui imprime le mouvement à ce vaste corps, pour nous abaisser à de faibles et misérables éléments ; ce serait égaler à l'Être éternel une matière vile, périssable, et sujette à la corruption. Enfin, si l'on regarde les parties du monde comme autant de puissances de Dieu, ce n'est point à ces puissances que nous irons offrir nos hommages, mais bien à leur créateur et à leur maître. Je ne demande point à la matière ce qu'elle n'a pas, ni je ne laisse point Dieu pour adorer des éléments, dont le pouvoir ne s'étend pas au-delà des bornes qui leur furent assignées. Quelle que soit en effet la beauté qu'ils tiennent de leur auteur, ils n'en conservent pas moins la nature de la matière. Le témoignage de Platon se joint encore à notre sentiment. « Cette essence appelée le ciel et le monde, dit-il, a reçu, il est vrai, bien des privilèges de son auteur ; cependant elle participe de la matière, et par là môme elle n'est point affranchie de la loi du changement. »
Si donc, en admirant la beauté du ciel et des éléments, je ne les adore point comme des dieux, puisque je sais qu'ils sont soumis à la loi de la dissolution, comment adorerai-je de vaines idoles, que je sais être l'œuvre de l'homme? C'est ce que je vous prie d'examiner un moment avec moi.