XV.
Le motif tiré de l'intention de Dieu suffirait pour nous conduire, par un enchaînement de conséquences toutes naturelles , à l'importante vérité que nous cherchons, c'est-à-dire la résurrection des corps après leur dissolution; mais il importe de ne passer sous silence aucune des raisons que nous avons mises en avant, et nous ne pouvons surtout nous dispenser de les apporter en faveur de ceux qui ne peuvent voir d'un coup d'œil toutes les conséquences d'un principe. Si on ne les a pas conduits comme par la main, ils ne voient pas combien la raison tirée de la nature de l'homme est rigoureuse pour établir la résurrection. En effet, si la nature de l'homme se compose d'une âme immortelle et d'un corps qui lui fut uni lors de la création ; si l'être et la vie n'ont été départis séparément, ni à la nature de l'âme, ni à celle du corps, mais bien à l'homme, qui réunit ces deux natures, et qui doit avec elles, non-seulement fournir sa carrière ici-bas, mais encore arriver à la fin qui lui est destinée, ne faut-il pas que l'âme et le corps ne forment qu'un seul être où se réunit tout ce qu'éprouve l'âme et le corps, qui raisonne, reçoit des sensations ? Tout l'ensemble et l'enchaînement de ces actes se rapporte à une fin unique : ne faut-il pas que l'harmonie règne dans tout ce qui concerne l'homme, et qu'il en soit de sa fin et de sa destinée Comme il en est de sa naissance et de sa vie, de ses actes et de ses affections ? S'il y a unité et harmonie dans tout l'être de l'homme ; s'il y a accord parfait dans toutes les opérations de l'âme et du corps, il faut donc que que tout en lui soit destiné à une même chose. Or, il y aura unité dans cette fin, si l'être qui en est l'objet reste le même dans sa constitution; mais comment l'homme aura-t-il sa constitution véritable, à moins que toutes les parties qui la composent ne se trouvent réunies ? Et comment pourront-elles se réunir, si après leur dissolution elles ne viennent pas se ranger de nouveau et dans le même ordre qu'auparavant ? Cette reconstitution des hommes suppose donc nécessairement la résurrection des corps après leur mort et leur dissolution. Car sans elle les mêmes parties ne se réuniraient point selon leur nature, et le même individu ne serait pas reconstruit ; la faculté de penser et de raisonner a été donnée à l'homme pour parvenir non-seulement à une connaissance distincte des créatures qui sont le plus a sa portée, mais encore à la connaissance de son Dieu, de son bienfaiteur, de sa bonté, de sa sagesse et de sa justice. Tant que la raison pour laquelle Dieu a donné à l'homme cette faculté subsistera, cette faculté doit subsister aussi, et comment subsistera-t-elle sans la nature qui l'a reçue et en qui elle réside ?
Or, c'est en l'homme et non point en l'âme seulement que résident le jugement et la raison. Il faudra donc que l'homme, ce composé d'âme et de corps, subsiste toujours, et il ne peut subsister toujours s'il ne ressuscite ; autrement ce n'est plus, à proprement parler, la nature de l'homme, mais une partie de lui-même qui continue d'exister. Si la nature de l'homme n'est pas conservée intacte, pourquoi l'âme aurait-elle été associée aux douleurs et aux misères du corps? C'est en vain que, retenu par elle dans la poursuite de ses désirs, le corps est resté docile et soumis au frein de l'âme : cette union de l'âme et du corps une fois rompue, tout serait inutile, l'intelligence, la prudence dans la conduite, la pratique de la justice, l'exemple des vertus, la sagesse des lois ; en un mot, tout ce qu'il y a d'admirable dans l'homme, tout ce qui se fait de bien pour lui, ou plutôt c'est la création, c'est la nature même de l'homme qui est inutile. S'il est vrai que dans toutes les œuvres de Dieu, et dans tous les dons de sa munificence, rien ne s'est fait en vain, il faut déboute nécessité que le corps, selon la nature qui lui est propre, soit immortel comme l'âme elle-même.