III.
Moi aussi, je m'attends à me voir poursuivi et attaché au bois du supplice par quelqu'un de ceux que j'ai nommés ou par Crescens, cet ami du bruit (philosophe) et de la parade. [2] Le nom de philosophe ne convient pas à un homme qui nous accuse en public, alors qu'il ne nous connaît pas, qui traite les chrétiens d'athées et d'impies, pour plaire à une multitude égarée. [3] S'il nous poursuit, sans avoir lu les enseignements du Christ, c'est un infâme ; il est moins excusable que les ignorants : eux du moins souvent se gardent de juger et de calomnier ce qu'ils ne connaissent pas. S'il les a lus, il n'en a pas compris la grandeur : s'il l'a comprise, c'est pour n'être pas soupçonné d'être chrétien qu'il se conduit ainsi, et alors il est d'autant plus misérable et infâme ; il est esclave d'une opinion aveugle et insensée ; il obéit à la crainte. [4] Je lui ai proposé sur ce sujet des questions ; je l'ai interrogé : or j'ai pu me convaincre, je veux que vous le sachiez, qu'il n'en sait pas le premier mot. [5] Pour prouver ce que j'avance, si vous n'avez pas eu connaissance de nos discussions, je suis prêt à l'interroger de nouveau devant vous : ce serait digne de votre puissance souveraine. [6] Si vous avez eu connaissance de mes questions et de ses réponses, vous avez pu voir qu'il ne sait rien de notre doctrine. S'il la connaît, et que, comme je l'ai dit plus haut, la crainte de ceux qui l'écoutent l'empêche de parler, il montre par là qu'il n'est pas ami de la sagesse, mais ami de l'opinion : il méprise la belle maxime de Socrate : « La vérité doit passer avant l'homme. » [7] Mais il est impossible qu'un cynique, qui place la fin dernière dans l'indifférence, connaisse un autre bien que l'indifférence.