XIII.
Ce même poète a montré qu'il avait de Dieu une idée toute humaine, basse et misérable, lorsqu'il part des choses terrestres pour commencer son récit de la création. L'homme, en effet, qui est si petit, est obligé de commencer par en bas l'édifice qu'il veut bâtir ; il ne peut élever le faîte ou le toit sans avoir posé d'abord le fondement. Mais la puissance de Dieu consiste à créer de rien ce qu'il veut, et à le créer selon son bon plaisir.
"Car ce qui est impossible aux hommes est possible à Dieu."
C'est pourquoi le prophète nous apprend qu'il créa d'abord le ciel en forme de voûte, comme le couronnement et le faîte de l'édifice :
"Au commencement, dit-il, Dieu créa le ciel."
Il crée donc le ciel ainsi que nous l'avons dit ; il donne ensuite le nom de terre à la partie solide qui est comme le fondement, et celui d'abîme à la réunion des eaux. Il parlé encore des ténèbres, parce que le ciel était comme un voile qui couvrait les eaux et la terre. Par cet esprit qui reposait sur les eaux, il entend le principe de vie que Dieu a donné aux créatures, pour la régénération des êtres, comme l'âme dans l'homme est unie au corps ; il rapprochait ainsi deux substances légères comme l'eau et l'esprit, afin que l'esprit pénétrât l'eau, et que l'eau avec l'esprit pénétrant partout, fécondât la créature. Il n'y avait donc entre le ciel et l'eau que ce seul esprit qui occupait la place de la lumière, afin d'empêcher en quelque sorte que les ténèbres ne s'étendissent jusqu'au ciel voisin de Dieu, avant que Dieu eût dit :
"Que la lumière soit."
Ainsi le ciel embrassait comme une voûte la matière qui était comme le sol. Voici en effet comment le prophète Isaïe parle du ciel :
"C'est Dieu qui a fait le ciel comme une voûte, et qui l'a étendu comme une tente que nous devions habiter."
Voilà pourquoi la parole de Dieu, c'est-à-dire son Verbe, qui brillait comme dans une prison étroite, a éclairé tout à coup l'espace lorsque la lumière fut créée, indépendamment du monde. Dieu appela la lumière jour, et les ténèbres nuit ; car l'homme n'aurait jamais pu donner un nom à la lumière, aux ténèbres, ni aux autres objets, s'il ne l'avait reçu du créateur. Au commencement du récit, l'Écriture ne parle point de ce firmament que nous voyons, mais bien d'un autre ciel invisible à nos yeux, d'après lequel celui qui frappe notre vue a été appelé firmament. C'est dans ce lieu qu'est renfermée une partie des eaux pour se répandre en pluie et en rosée, selon les besoins de l'homme ; tandis que le reste est resté sur la terre dans les fleuves, dans les fontaines et dans les mers. Les eaux couvraient encore la terre, et principalement les lieux profonds, lorsque Dieu, par son Verbe, les réunit en un seul endroit, et il découvrit ainsi la terre, qui n'avait pas encore apparu ; ainsi dégagée, elle était toujours informe ; Dieu lui donna sa forme et lui fit trouver sa parure dans cette multitude de plantes, de semences et de fruits qu'elle produit.
