Chapitre XLII
Or s’il avoue lui-même qu’il ne peut rien, n’avons-nous pas raison de le mépriser avec tous ses démons ? Voilà quels sont les artifices de notre ennemi et de tous ces chiens infernaux ; mais connaissant leur faiblesse, il nous est bien aise de n’en pas tenir compte. Gardons-nous donc de perdre courage, ne remplissons point notre esprit de vaines terreurs, et ne nous donnons pas de la crainte à nous-mêmes, en disant : Mais si le démon venait à cette heure pour me tenter ? Mais s’il m’enlevait pour me mettre à terre ? Mais si, en sortant tout d’un coup de ses embûches, il m’épouvantait tellement qu’il me mette dans le trouble ? N’ayons aucune de ces pensées, et ne nous affligeons point comme si nous étions prêts à périr. Au contraire, soyons pleins de confiance, et réjouissons-nous toujours, comme devant être sauvés ; et parce que le Seigneur est avec nous, lui qui a mis les démons en fuite et détruit toute leur puissance, pensons continuellement que le Seigneur nous étant ainsi toujours présent, les démons ne sauraient nous faire aucun mal. Car ils se conduisent envers nous selon l’état auquel ils nous trouvent, et forment les visions qu’ils nous présentent selon les pensées qu’ils reconnaissent que nous avons dans l’esprit. Ainsi, s’ils nous trouvent craintifs et troublés, ils nous attaqueront aussitôt comme les voleurs attaquent une maison qu’ils savent n’être gardée par personne, et ils augmenteront par de nouvelles frayeurs celles que nous aurons déjà dans l’esprit, en y joignant des visions et des menaces ; ce qui tourmente misérablement une pauvre âme. Mais si, au contraire, ils nous trouvent pleins de joie dans le Seigneur, s’ils nous trouvent en train de méditer ses commandements et de considérer que toutes choses sont entre ses mains, les démons ne peuvent rien contre les chrétiens, ils n’auront aucune capacité de nous nuire ; s’ils voient nos âmes dans ces sentiments, ils s’en retourneront avec confusion et avec honte. Ainsi, trouvant Job fortifié de la sorte contre lui, il le quitta. Mais trouvant Judas dépouillé de semblables armes, il en fit son esclave. C’est pourquoi, si nous voulons triompher de cet ennemi, ayons toujours dans l’esprit de saintes pensées ; que nos âmes soient continuellement dans la joie par l’espérance des biens à venir, et alors nous considèrerons toutes les illusions des démons comme une vapeur et une fumée, et nous les verrons nous fuir plutôt que nous persécuter. Car, comme je l’ai déjà dit, ils sont extrêmement timides, parce qu’ils n’ignorent pas l’ardeur de ces flammes éternelles destinées à leur supplice.