Chapitre LXXII
Antoine était extrêmement prudent ; et ce qui est admirable, bien que n’étant pas appris les lettres, il avait une vivacité d’esprit et une intelligence sans pareilles. Comme il était sur la montagne la plus proche, deux philosophes grecs étant allés le trouver avec le dessein de le surprendre, il reconnut sur leur visage qui ils étaient. Allant au devant d’eux, il leur dit par un interprète : Pourquoi prenez-vous tant de peine, ô philosophes, pour venir trouver un homme stupide ? A cela, ils répondirent que non seulement il ne l’était pas, mais qu’il était fort sage et fort habile. Il leur répliqua : Si vous êtes venus vers moi comme vers un insensé, vous avez pris inutilement beaucoup de peine, et si vous m’estimez sage, devenez sages comme moi. Il faut imiter ce que l’on estime bon. Ainsi, si j’étais allé vers vous, je vous imiterais. Puisque vous êtes venus vers moi, c’est à vous de vous rendre semblables à moi. ? Or je suis chrétien. Ils s’en allèrent sur cela, pleins d’étonnement, et ayant reconnu que les démons mêmes le craignaient.