Chapitre XC
Ayant achevé ces paroles, comme les frères voulaient le contraindre par leurs prières à demeurer avec eux pour la fin de sa vie, il refusa pour plusieurs raisons que manifestait même son silence. La principale était celle-ci. Les Egyptiens ensevelissent et enveloppent de quantité de linges les corps des personnes qui meurent dans la piété, particulièrement ceux des saints martyrs. Et au lieu de les enterrer, il les mettent sur de petits lits et les conservent ainsi dans leurs maisons, croyant leur rendre beaucoup d’honneur. Sur ce point, Antoine avait souvent prié les évêques d’instruire leurs peuples pour les tirer de cette erreur. Il en avait aussi fait honte à plusieurs laïques et avaient repris sévèrement quelques femmes, leur montrant que cela n’était conforme ni aux lois, ni à la piété, puisque l’on conserve encore aujourd’hui dans des sépulcres les corps des patriarches et des prophètes. Même le corps de Notre Seigneur avait été mis dans un tombeau et une pierre avait été roulée à l’entrée pour le fermer jusqu’à ce qu’il ressuscite le troisième jour. Ainsi il leur fit connaître qu’on ne peut, sans faute, ne pas enterrer le corps des morts, quelque saints qu’ils puissent être, puisqu’il n’y a rien de plus grand ni de plus saint que le corps de Notre Seigneur. Et ses discours eurent tant de force que plusieurs de ceux qui les entendirent enterrèrent depuis leurs morts et rendirent grâces à Dieu de l’instruction qu’Antoine leur avait donnée. Ce fut donc principalement à cause de la crainte que l’on rendre à son corps des honneurs superstitieux qu’il avait vu rendre à d’autres, qu’il se hâta de s’en retourner après avoir pris congé des solitaires.