7.
Parmi les arts , les uns sont appelés effecteurs, les autres pratiques, les autres spéculatifs. La fin des arts spéculatifs est l'opération même de l'esprit: la fin des arts pratiques est le mouvement même du corps, lequel cessant , il ne reste plus rien à voir. Telles sont la danse et la musique, qui n'ont aucune fin permanente, mais dont la vertu se termine à elles-mêmes. Dans les arts effecteurs, lors même que la puissance effectrice cesse, il reste un ouvrage. Tels sont les arts de l'architecte, du serrurier, du tisserand, et autres semblables : même lorsque l'ouvrier est absent, ils montrent suffisamment par eux-mêmes une raison intelligente qui a produit ; et l'on peut admirer l'ouvrier par son ouvrage. Afin donc de montrer que le monde est une production de l'art, exposée en spectacle aux yeux de tous les hommes, afin qu'en le voyant ils reconnaissent la sagesse de celui qui l'a créé , le sage Moise a parlé de sa création en ces termes : Au commencement Dieu créa: il ne dit pas enfanta, produisit, mais créa. Et comme plusieurs de ceux qui ont pensé que le monde avait existé avec Dieu de toute éternité, n'ont pas voulu convenir qu'il eût été créé par lui, mais ont prétendu qu'il avait existé de soi-même comme une ombre de la puissance divine, qu'ainsi Dieu est la cause du monde, mais une cause non-volontaire, comme un corps opaque ou lumineux est la cause de l'ombre ou de la lumière; le prophète voulant corriger cette erreur, s'est exprimé avec cette exactitude: Au commencement Dieu créa. Par ces mots, non-seulement il veut donner une cause au monde, mais annoncer qu'un être bon a fait une chose utile, un être sage une chose belle, un être puissant une chose grande. Il nous montre presque le souverain Ouvrier qui domine sur ce vaste univers, qui en dispose et en ordonne toutes les parties, qui en forme un tout régulier , parfaitement d'accord avec lui-même , du concert le plus admirable.
Au commencement Dieu créa le ciel et la terre. En prenant les deux extrêmes il embrasse la substance du monde entier. Il accorde au ciel le privilège de l'aînesse, et ne donne à la terre que le second rang dans la création. Tous les êtres intermédiaires ont dû naître avec les deux bornes du monde. Si donc il ne dit rien des éléments, de l'eau, de l'air et du feu, vos propres réflexions doivent vous apprendre d'abord que tous les éléments sont mêlés avec tous les corps, que vous les trouverez tous dans la terre seule , puisque le feu jaillit des cailloux, puisque dans les chocs et les frottements on voit une grande abondance de feu sortir en brillant du fer même qu'on a tiré des entrailles de la terre. Et ce qui doit paraître admirable, c'est que le feu renfermé dans les corps y séjourne sans leur nuire ; et que lorsqu’on le tire au dehors, il consume les corps mêmes qui le recélaient. Ceux qui creusent des puits nous prouvent que l'élément de l'eau est aussi clans la terre; la même chose nous est prouvée de l’air par les vapeurs qu'exhale la terre humide lorsque les rayons du soleil l'échauffent. D'ailleurs , comme le ciel occupe naturellement un lieu élevé, la terre le lieu le plus bas; comme les corps légers s'élèvent vers le ciel, et que les pesants se portent vers la terre; comme le haut et le bas sont opposés l'un à l'autre , Moïse en faisant mention des deux êtres les plus éloignés, parle conséquemment de tous les êtres intermédiaires qui occupent le mi-lieu. Ainsi ne demandez pas un détail de tous les objets, mais que ce qu'on vous dit vous fasse comprendre ce qu'on ne vous dit pas.