2.
[3] Qu'on tienne à l'appeler Verbe ou Sagesse, ou Puissance, ou Dieu, ou lui donner tout autre nom sublime et auguste, nous ne disputerons pas sur ce point. Quel que soit en effet le mot ou le nom que l'on trouve pour désigner le sujet, les paroles qualifient une seule et même chose, la puissance éternelle de Dieu, qui crée ce qui existe, imagine ce qui n'est pas, embrasse les choses créées, prévoit celles qui seront: ce Dieu le Verbe, qui est sagesse et puissance, la suite du raisonnement nous a montré en lui le créateur de la nature humaine, qu'aucune nécessité n'a amené à former l'homme, mais qui a ménagé la naissance d'un être semblable, dans la surabondance de son amour. Sa lumière en effet ne devait pas rester invisible, ni sa gloire sans témoin, ni sa bonté sans profit, ni non plus inactives toutes les autres qualités dont s'entoure à nos yeux la nature divine, ce qui fût arrivé, s'il n'y avait eu personne pour y participer et en jouir.
[4] Si donc l'homme est appelé à la vie pour prendre part aux biens de Dieu, il est nécessairement apte, par sa constitution, à partager ces biens. De même en effet que l'œil participe à la lumière grâce aux principes lumineux qui y sont naturellement déposés, et attire à soi, en vertu de ce pouvoir inné, ce qui a la même nature, de même il fallait qu'une certaine affinité avec le divin fût mêlée à la nature humaine, pour lui inspirer, au moyen de cette correspondance, le désir de se rapprocher de ce qui lui est apparenté. [5] En effet, même dans la nature des êtres privés de raison qui vivent dans l'eau ou dans les airs, chaque animal a reçu une organisation correspondant à son genre de vie, de sorte que, grâce à la conformation particulière de leur corps, ils trouvent leur élément approprié, celui-ci dans l'air, celui-là dans l'eau. De même l'homme, créé pour jouir des avantages divins, devait avoir une affinité de nature avec l'objet auquel il participe. [6] Aussi a-t-il été doué de vie, de raison, de sagesse, et de tous les avantages vraiment divins, afin de que chacun d'eux fît naître en lui le désir de ce qui lui est apparenté. L’éternité étant aussi un des avantages attachés à la nature divine, il fallait donc, de toute nécessité, que l'organisation de notre nature ne fût pas sur ce point non plus déshéritée, mais qu'elle possédât en elle-même le principe de l'immortalité, afin que cette faculté innée lui permît de connaître ce qui est au-dessus d'elle, et lui donnât le désir de l'éternité divine.
[7] C'est ce que montre le récit de la création du monde, d'un mot qui embrasse tout, en disant que l'homme a été fait à l'image de Dieu ; car la ressemblance de cette image implique l'ensemble de tous les caractères qui distinguent la divinité, et tout ce que Moïse nous raconte, plutôt à la façon d'un historien, sur ce sujet, en nous présentant des doctrines sous la forme d'un récit, se rattache au même enseignement. Car le paradis, et la nature spéciale de ses fruits, qui procurent à ceux qui en goûtent, non la satisfaction de l'estomac, mais la connaissance et la vie éternelle, tout cela concorde avec les considérations précédentes sur l'homme, établissant qu'à l'origine notre nature était bonne et vivait au milieu du bien.