3.
[8] Mais peut-être cette affirmation est-elle contestée par celui qui considère la condition présente, et qui s'imagine convaincre de fausseté ce discours, en faisant valoir que l'homme aujourd'hui, loin d'être en possession de ces biens, se montre à nous dans une situation presque entièrement opposée. Où est en effet ce caractère divin de l'âme ? où est cette absence de souffrance physique? où est cette éternité ? Brièveté de notre vie, caractère douloureux de notre condition, destinée périssable, disposition à souffrir toutes les variétés de maladies physiques et morales, tels sont, avec d'autres du même genre, les arguments dont il accablera notre nature, persuade qu'il réfute ainsi la doctrine que nous avons exposée au sujet de l'homme. Mais pour éviter que le discours soit en rien détourné de sa suite naturelle, nous nous expliquerons là-dessus aussi en quelques mots.
[9] Le caractère anormal des conditions actuelles de la vie humaine ne suffit pas à prouver que l'homme n'a jamais été en possession de ces biens. En effet, l'homme étant l'œuvre de Dieu, qui s'est inspiré de sa bonté pour amener cet être à la vie, personne, en bonne logique, ne pourrait soupçonner celui qui doit son existence à cette bonté, d'avoir été plongé dans les maux par son Créateur. Il y a une autre cause à notre condition présente, et à la privation qui nous a dépouillés d'un état plus enviable. Ici encore le point de départ de notre raisonnement ne sera pas sans obtenir l'assentiment des adversaires. En effet, celui qui a créé l'homme pour le faire participer à ses propres avantages, et qui a déposé dans sa nature, en l'organisant, le principe de tout ce qui est beau, pour que chacune de ces dispositions orientât son désir vers l'attribut divin correspondant, celui-là ne l'aurait pas privé du plus beau et du plus précieux de ces avantages, je veux parler de la faveur d'être indépendant et libre. [10] Si quelque nécessité, en effet, dirigeait la vie humaine, l'image, sur ce point, serait mensongère, étant altérée par un élément différent du modèle. Comment nommer une image de la nature souveraine ce qui serait assujetti et asservi à des nécessités? Ce qui a été fait en tout point à l'image de la Divinité devait, assurément, posséder dans sa nature une volonté libre et indépendante, de façon que la participation aux avantages divins fût le prix de la vertu.
