2.
Si leur intelligence avait su regarder plus haut ; si, dégageant leur esprit de toute disposition voluptueuse, ils avaient porté des yeux libres dépassions vers la nature de la réalité, ils n’auraient pas cru à l'existence du mal en dehors du vice. Tout mal se caractérise par la privation du bien, sans avoir d'existence propre, ni se présenter à la pensée comme une réalité ; aucun mal, en effet, n'existe en dehors de la volonté, mais c'est l'absence du bien qui lui donne son nom. Or, ce qui n'est pas n'a pas de réalité, et ce qui n'a pas de réalité n'est pas l'œuvre de celui qui a créé la réalité.
[4] La responsabilité du mal ne retombe donc pas sur Dieu, auteur de ce qui est, et non de ce qui n'est pas ; créateur de la vue, et non de la cécité ; qui a produit la vertu, et non la privation de vertu ; qui a proposé comme récompense à ceux qui régleraient leur conduite sur la vertu le privilège de jouir des biens divins, sans avoir assujetti la nature humaine à son bon plaisir par aucune nécessité tyrannique, en l'entraînant vers le bien contre son gré à la façon d'un objet inanimé. Si, quand la lumière brille de tout son éclat dans un ciel pur, on se prive volontairement de la vue en abaissant les paupières, le soleil ne saurait être mis en cause par celui qui n'y voit pas.