1.
Mais même devant des raisons de ce genre, les adversaires ne restent pas à court de répliques et de chicanes. Dieu pouvait s'il le voulait, disent-ils, amener de force les récalcitrants eux-mêmes à accepter la bonne nouvelle. Où serait donc ici le libre arbitre? Où serait la vertu et la gloire d'une conduite droite ? C'est seulement aux êtres inanimés et privés de raison qu'il appartient de se laisser mener au gré d'une volonté étrangère. La nature raisonnable et pensante, au contraire, si elle met de côté la liberté, perd du même coup le privilège de la pensée. Quel usage fera-t-elle en effet de la raison, si le pouvoir de choisir à son gré dépend d'un autre?
[2] Or si la volonté reste inactive, la vertu disparaît forcément, entravée par l'inertie de la volonté ; et sans vertu, la vie aussitôt perd son prix, l'éloge dû à la bonne conduite se trouve supprimé, le péché se commet sans péril, il devient impossible d'établir une différence entre les manières de vivre. Qui pourrait encore raisonnablement accuser l'homme déréglé, ou louer l'homme vertueux? Cette réponse vient d'elle-même à la bouche de tout le monde: Il ne dépend point de nous d'avoir une volonté ; c'est une puissance supérieure qui conduit les volontés humaines à se ranger à la décision du maître. Si la foi n'a pas pris naissance dans toutes les âmes, la faute n'en est donc pas à la bonté divine, mais à la disposition de ceux qui recevaient la prédication.