CHAPITRE VI
[1] La quatrième année de la persécution, le douze avant les calendes de décembre, qui serait le vingt du mois de Dios, le jour avant le sabbat, dans cette même Césarée, alors que le tyran lui-même, Maximin, était présent et heureux de donner des spectacles aux multitudes 213 pour ce qu'on appelle son jour de naissance, un fait digne d'être écrit s'accomplit de la façon suivante. [2] C'était jusque-là une coutume qu'en présence des empereurs, les jeux extraordinaires procurassent aux spectateurs des divertissements plus nombreux qu'en toute autre circonstance; les spectacles nouveaux et étranges y surpassaient ce qui était accoutumé; des animaux étaient amenés de tous côtés, de l'Inde, de l'Ethiopie et d'ailleurs; des hommes habiles dans certains exercices du corps présentaient aux spectateurs d'extraordinaires divertissements. De toutes façons, dans la circonstance présente, puisque l'empereur donnait les fêtes, il fallait qu'il y eût dans ces faveurs quelque chose de plus que de coutume et qui fût exceptionnel. [3] Qu'était-ce donc ? Un martyr de notre croyance fut amené au milieu [de l'amphithéâtre], pour combattre en faveur de la seule et véritable religion. C'était Agapius. Déjà une fois avec Thècle, nous l'avons montré un peu plus haut, il avait été jeté aux bêtes pour être dévoré. Il avait du reste aussi en un autre temps été amené, trois fois et plus, de la prison au stade avec des malfaiteurs. A chaque instant, le juge après les menaces, soit pitié, soit espérance d'un changement de détermination, l'ajournait successivement pour d'autres combats. Alors l'empereur présent, il fut amené, comme s'il eût été réservé à dessein pour ce moment, afin que la parole du Sauveur qui a prédit aux disciples avec une science divine qu'ils seraient traînés devant les rois pour lui rendre témoignage, fut aussi accomplie en lui. [4] Il est donc apporté au milieu du stade avec un criminel ; celui-ci était retenu, disait-on, pour avoir tué son maître. [5] 215 Eh bien, le meurtrier de son maître, présenté aux bêtes, fut jugé digne de pitié et de bienveillance, presque comme ce fameux Barabbas au temps du Sauveur; et alors des cris et des louanges firent retentir tout le théâtre parce que l'homicide était sauvé par la philanthropie de l'empereur et jugé digne d'honneur et de liberté. [6] L'athlète de la religion est au contraire tout d'abord appelé par le tyran, on lui demande de renier sa croyance en lui promettant la liberté. Il atteste à haute voix que ce n'est pas pour l'inculpation d'un crime, mais pour la religion du Dieu de l'univers, qu'il va volontiers supporter courageusement et avec joie tout ce qu'on pourra lui infliger. [7] A ces mots, joignant les actes aux paroles, il court au-devant d'une ourse lâchée contre lui et s'offre lui-même très joyeusement à elle pour être dévoré. Quand elle l'eut laissé, comme il respirait encore, il est emporté en prison. Il y vécut un jour ; le lendemain on lui attacha des pierres aux pieds et on le jeta au milieu de la mer. Tel fut le martyre d'Agapius.