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Histoire ecclésiastique

CHAPITRE XLI : CEUX QUI FURENT MARTYRISES A ALEXANDRIE MÊME

[1] Le même, dans sa lettre à Fabien, évêque d'Antioche, raconte de cette manière les combats des martyrs d'Alexandrie sous Dèce :

« Ce ne fut pas à partir de l'édit impérial que la persécution commença chez nous, mais elle le précéda d'une année entière. Il le devança, le prophète et l'artisan des maux de cette ville qu'il était, il souleva et excita contre nous la foule des païens en l'enflammant pour son culte des superstitions locales.¹ [2] Animés par lui et ayant reçu toute latitude pour l'œuvre impie, ils considéraient que la religion, le culte 257 des démons consistait seulement à nous mettre à mort. [3] Ils se saisirent donc d'abord d'un vieillard nommé Métra et lui ordonnèrent de dire des paroles athées : il refusa ; alors ils le frappèrent à coups de bâton, et avec des roseaux pointus ils lui percèrent le visage ainsi que les yeux, puis ils l'emmenèrent dans le faubourg et le lapidèrent. [4] Ensuite ils conduisirent une femme chrétienne, du nom de Quinta, vers le temple des idoles et la contraignirent d'adorer; elle se détourna et manifesta son dégoût; ils la lièrent alors par les pieds et la traînèrent par toute la ville sur le rude pavé et la meurtrirent sur les pierres meulières, tout en l'accablant de coups de fouet, puis ils la conduisirent au même endroit que Métra et la lapidèrent.²

[5] « Ensuite tous d'un commun accord ils s'élancent vers les maisons des chrétiens : chacun fait irruption chez, les voisins qu'il connaît et les emmène, puis les vole et les pille. Les objets les plus précieux sont réservés ; ceux qui le sont moins, comme ceux en bois, sont jetés et brûlés dans les rues et donnent l'aspect d'une ville prise par des ennemis.³ [6] Les frères se dérobaient et s'enfuyaient ; ils supportaient avec joie qu'on leur ravît leurs biens, comme ceux auxquels Paul a rendu témoignage. Et je ne sais pas, sauf un peut-être qui par hasard est tombé, s'il en est jusqu'à présent qui aient renié le Seigneur.

[7] « Mais ils se saisirent aussi d'Apollonie, vierge très digne d'admiration et d'un grand âge ; ils lui firent tomber toutes les dents en lui frappant les mâchoires, puis ils construisirent un bûcher devant la ville et la menacèrent de l'y jeter vivante si elle ne prononçait 259 avec eux les formules de l'impiété. Elle s'en excusa brièvement puis offrant son sacrifice elle s'élança vivement dans le feu et y fut consumée.⁴ [8] On arrêta encore Sérapion chez lui et on lui infligea de cruelles tortures; on lui brisa toutes les jointures des membres et on le précipita de la chambre haute la tête en avant.

« Il n'y avait ni route, ni rue, ni sentier qui nous fut accessible, de jour comme de nuit; sans cesse et partout tous criaient: «Si quelqu'un ne chante pas les paroles d'insulte, il faut qu'il soit aussitôt emmené et bridé. » [9] Et ces maux gardèrent longtemps cette sorte d'acuité ; puis la révolution vint ensuite pour ces hommes méchants et une guerre civile fut cause qu'ils tournèrent contre eux-mêmes la cruauté dont nous étions l'objet. Nous respirâmes un peu ; ils ne prenaient plus le loisir de s'irriter contre nous; mais bientôt le changement de ce règne [de Philippe] qui nous avait été plus favorable fut annoncé, et la crainte intense de ce qui nous menaçait planait sur nous.⁵

[10] « Et, en effet, l'édit existait bien et il ressemblait presque à ce qui a été prédit par Notre Seigneur, comme devant être rapide et très terrible, si bien que, s'il eût été possible, les élus eux-mêmes eussent été scandalisés. [11] D'ailleurs tous furent frappés d'épouvante ; beaucoup et des plus considérables se présentèrent aussitôt ; ceux-ci cédaient à la crainte, ceux-là étaient fonctionnaires et étaient amenés par leurs fonctions, les autres étaient entraînés par leur entourage ; appelés par leur nom, ils allaient aux sacrifices impurs et impies. Les uns étaient pâles et tremblants, non pas comme des gens qui devaient sacrifier, mais comme s'ils devaient 261 eux-mêmes être sacrifiés et immolés aux idoles : aussi étaient-ils assaillis parle rire moqueur du peuple nombreux qui les entourait, et il était évident qu'ils étaient lâches pour tout, aussi bien pour mourir que pour sacrifier. [12] Certains autres, cependant, accouraient aux autels d'une façon plus résolue et affirmaient avec audace qu'ils n'avaient jamais été chrétiens ; à leur sujet la prophétie du Sauveur est très vraie : ils seront difficilement sauvés. Le reste, ou bien suivait le mauvais exemple des uns et des autres, ou bien fuyait. [13] Certains étaient arrêtés, et de ceux-ci les uns, après avoir été jusqu'aux fers et à la prison, quelques-uns même après y avoir demeuré plusieurs jours, abjuraient ensuite avant d'aller au tribunal ; les autres, après avoir enduré un certain temps les tortures, refusaient d'aller plus loin.

[14] « Mais les robustes et saintes colonnes du Seigneur, fortifiées par lui et puisant dans la foi solide qu'elles avaient en elles, une dignité, une force et une puissance proportionnée, furent d'admirables témoins de son royaume. [15] Le premier de ceux-ci fut Julien; il était goutteux, et ne pouvait ni se tenir debout ni marcher; il fut amené avec deux hommes qui le portaient ; l'un de ceux-ci renia sur-le-champ; mais l'autre qui s'appelait Chronion et avait le surnom d'Eunous confessa le Seigneur ainsi que le vieillard Julien. On les mit sur des chameaux et on les promena en les fouettant par toute la ville qui, vous le savez, est très grande ; enfin ils furent brûlés avec de la chaux vive que tout le peuple répandait sur eux. [16] Un soldat les escortait tandis qu'on les emmenait 263 et il s'opposait à ceux qui les insultaient; ceux-ci se mirent à pousser des cris et le très courageux guerrier de Dieu, Bésas, fut conduit au tribunal ; après s'être distingué dans le grand combat de la religion, il eut la tête tranchée. [17] Un autre, de race libyenne, Makar [Bienheureux], dont le nom et la bénédiction étaient également vrais, après avoir subi de la part du juge une exhortation prolongée à renier sa foi, n'ayant pas été amené à céder, fut brûlé vivant. Après ceux-ci, Épimaque et Alexandre qui étaient demeurés longtemps enchaînés, qui avaient souffert mille douleurs, les peignes de fer et les fouets, furent eux aussi arrosés de chaux vive. [18] Avec eux, il y eut encore quatre femmes ainsi qu'Ammonarion, vierge sainte, à qui le juge fit très opiniâtrement subir des tortures très prolongées parce qu'elle avait déclaré à l'avance qu'elle ne dirait rien de ce qu'il lui ordonnerait ; elle réalisa ce qu'elle avait promis et elle fut emmenée à la mort. Restaient Mercuria, d'une très vénérable vieillesse, et Denise, mère de beaucoup d'enfants, mais qui ne les avait pas aimés plus que le Seigneur; le juge eut honte de les tourmenter inutilement encore et d'être vaincu par des femmes; elles moururent par le fer et n'eurent plus à subir l'épreuve des tortures parce qu'Ammonarion, qui avait combattu la première, les avait endurées pour toutes.⁶

[19] « Héron, Ater et Isidore, égyptiens, et avec eux un jeune enfant d'environ quinze ans, Dioscore, furent livrés. Le juge s'en prit d'abord à l'adolescent, comme à quelqu'un facile à tromper par des paroles, et aisé à contraindre par des tortures, mais Dioscore ni n'obéit 265 ni ne céda.⁷ [20] Le magistrat fit déchirer les autres d'une façon très sauvage et, comme ils résistaient, il les livra eux aussi au feu. Quand Dioscore, qui avait brillé en public, et qui avait répondu très sagement aux questions faites en particulier, le juge étonné le laissa aller, disant qu'il lui accordait un délai pour se repentir à cause de son Age. Maintenant encore cet enfant très digne de Dieu, Dioscore, est avec nous; il attend une lutte plus prolongée et un combat plus complet.

[21] « Un certain Némésion, lui aussi égyptien, fut dénoncé comme habitant avec des brigands; s'étant justifié de cette calomnie, très étrange devant le centurion, il fut accusé comme chrétien et vint enchaîné devant le gouverneur; le juge très injuste lui fit infliger en tortures et en flagellations le double de celles administrées aux voleurs, puis il ordonna de le brûler au milieu d'eux, honorant ce bienheureux de cette ressemblance avec le Christ.

[22] « Mais toute une escouade de soldats : Ammon, Zénon, Ptolémée et Ingénès, et avec eux le vieillard Théophile, se tenaient debout devant le tribunal. On jugeait comme chrétien quelqu'un qui inclinait déjà au reniement : ceux-là, qui étaient auprès de lui, grinçaient les dénis, faisaient des signes avec la tête, tendaient les mains, gesticulaient par tout leur corps. [23] Tout le monde se tourne de leur côté, mais avant qu'on eût saisi aucun d'eux ils prennent les devants, courent et montent sur le tribunal en disant, qu'ils sont Chrétiens; le gouverneur et ses assesseurs sont saisis de crainte; ceux qui étaient jugés paraissaient tout à fait remplis de courage 267 et décidés aux supplices qu'ils devaient endurer, tandis que ceux qui jugeaient avaient peur. Ceux-là sortirent solennellement des tribunaux et ils exultaient de leur témoignage ; Dieu les faisait glorieusement triompher.

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The Church History of Eusebius

Chapter XLI.--The Martyrs in Alexandria.

1. The same writer, in an epistle to Fabius, ¹ bishop of Antioch, relates as follows the sufferings of the martyrs in Alexandria under Decius:

"The persecution among us did not begin with the royal decree, but preceded it an entire year. ² The prophet and author of evils ³ to this city, whoever he was, previously moved and aroused against us the masses of the heathen, rekindling among them the superstition of their country.

2. And being thus excited by him and finding full opportunity for any wickedness, they considered this the only pious service of their demons, that they should slay us.

3. "They seized first an old man named Metras, ⁴ and commanded him to utter impious words. But as he would not obey, they beat him with clubs, and tore his face and eyes with sharp sticks, and dragged him out of the city and stoned him.

4. Then they carried to their idol temple a faithful woman, named Quinta, that they might force her to worship. And as she turned away in detestation, they bound her feet and dragged her through the entire city over the stone-paved streets, and dashed her against the millstones, and at the same time scourged her; then, taking her to the same place, they stoned her to death.

5. Then all with one impulse rushed to the homes of the pious, and they dragged forth whomsoever any one knew as a neighbor, and despoiled and plundered them. They took for themselves the more valuable property; but the poorer articles and those made of wood they scattered about and burned in the streets, so that the city appeared as if taken by an enemy.

6. But the brethren withdrew and went away, and took joyfully the spoiling of their goods,' ⁵ like those to whom Paul bore witness. I know of no one unless possibly some one who fell into their hands, who, up to this time, denied the Lord.

7. Then they seized also that most admirable virgin, Apollonia, an old woman, and, smiting her on the jaws, broke out all her teeth. And they made a fire outside the city and threatened to burn her alive if she would not join with them in their impious cries. And she, supplicating a little, was released, when she leaped eagerly into the fire and was consumed.

8. Then they seized Serapion in his own house, and tortured him with harsh cruelties, and having broken all his limbs, they threw him headlong from an upper story. And there was no street, nor public road, nor lane open to us, by night or day; for always and everywhere, all of them cried out that if any one would not repeat their impious words, he should immediately be dragged away and burned.

9. And matters continued thus for a considerable time. But a sedition and civil war came upon the wretched people and turned their cruelty toward us against one another. ⁶ So we breathed for a little while as they ceased from their rage against us. But presently the change from that milder reign was announced to us, ⁷ and great fear of what was threatened seized us.

10. For the decree arrived, almost like unto that most terrible time foretold by our Lord, which if it were possible would offend even the elect. ⁸

11. All truly were affrighted. And many of the more eminent in their fear came forward immediately; ⁹ others who were in the public service were drawn on by their official duties; ¹⁰ others were urged on by their acquaintances. And as their names were called they approached the impure and impious sacrifices. Some of them were pale and trembled as if they were not about to sacrifice, but to be themselves sacrifices and offerings to the idols; so that they were jeered at by the multitude who stood around, as it was plain to every one that they were afraid either to die or to sacrifice.

12. But some advanced to the altars more readily, declaring boldly that they had never been Christians. Of these the prediction of our Lord is most true that they shall hardly' ¹¹ be saved. Of the rest some followed the one, others the other of these classes, some fled and some were seized.

13. And of the latter some continued faithful until bonds and imprisonment, and some who had even been imprisoned for many days yet abjured the faith before they were brought to trial. Others having for a time endured great tortures finally retracted.

14. But the firm and blessed pillars of the Lord being strengthened by him, and having received vigor and might suitable and appropriate to the strong faith which they possessed, became admirable witnesses of his kingdom.

15. The first of these was Julian, a man who suffered so much with the gout that he was unable to stand or walk. They brought him forward with two others who carried him. One of these immediately denied. But the other, whose name was Cronion, and whose surname was Eunus, and the old man Julian himself, both of them having confessed the Lord, were carried on camels through the entire city, which, as you know, is a very large one, and in this elevated position were beaten and finally burned in a fierce fire, ¹² surrounded by all the populace.

16. But a soldier, named Besas, who stood by them as they were led away rebuked those who insulted them. And they cried out against him, and this most manly warrior of God was arraigned, and having done nobly in the great contest for piety, was beheaded.

17. A certain other one, a Libyan by birth, but in name and blessedness a true Macar, ¹³ was strongly urged by the judge to recant; but as he would not yield he was burned alive. After them Epimachus and Alexander, having remained in bonds for a long time, and endured countless agonies from scrapers ¹⁴ and scourges, were also consumed in a fierce fire. ¹⁵

18. And with them there were four women. Ammonarium, a holy virgin, the judge tortured relentlessly and excessively, because she declared from the first that she would utter none of those things which he commanded; and having kept her promise truly, she was dragged away. The others were Mercuria, a very remarkable old woman, and Dionysia, the mother of many children, who did not love her own children above the Lord. ¹⁶ As the governor was ashamed of torturing thus ineffectually, and being always defeated by women, they were put to death by the sword, without the trial of tortures. For the champion, Ammonarium, endured these in behalf of all.

19. The Egyptians, Heron and Ater and Isidorus, and with them Dioscorus, ¹⁷ a boy about fifteen years old, were delivered up. At first the judge attempted to deceive the lad by fair words, as if he could be brought over easily, and then to force him by tortures, as one who would readily yield. But Dioscorus was neither persuaded nor constrained.

20. As the others remained firm, he scourged them cruelly and then delivered them to the fire. But admiring the manner in which Dioscorus had distinguished himself publicly, and his wise answers to his persuasions, he dismissed him, saying that on account of his youth he would give him time for repentance. And this most godly Dioscorus is among us now, awaiting a longer conflict and more severe contest.

21. But a certain Nemesion, who also was an Egyptian, was accused as an associate of robbers; but when he had cleared himself before the centurion of this charge most foreign to the truth, he was informed against as a Christian, and taken in bonds before the governor. And the most unrighteous magistrate inflicted on him tortures and scourgings double those which he executed on the robbers, and then burned him between the robbers, thus honoring the blessed man by the likeness to Christ.

22. A band of soldiers, Ammon and Zeno and Ptolemy and Ingenes, and with them an old man, Theophilus, were standing close together before the tribunal. And as a certain person who was being tried as a Christian, seemed inclined to deny, they standing by gnashed their teeth, and made signs with their faces and stretched out their hands, and gestured with their bodies. And when the attention of all was turned to them, before any one else could seize them, they rushed up to the tribunal saying that they were Christians, so that the governor and his council were affrighted. And those who were on trial appeared most courageous in prospect of their sufferings, while their judges trembled. And they went exultingly from the tribunal rejoicing in their testimony; ¹⁸ God himself having caused them to triumph gloriously."