CHAPITRE VIII : COMMENT IRÉNÉE MENTIONNE LES DIVERSES ÉCRITURES
Puisque au début de cet ouvrage nous avons fait la promesse de citer à l'occasion, les paroles des anciens presbytres et écrivains ecclésiastiques qui ont transmis par écrit les traditions venues jusqu'à eux, concernant les Écritures testamentaires; comme Irénée est de ceux-là, nous allons donc rapporter ce qu'il dit, [2] et tout d'abord, ce qui concerne les saints Évangiles en ces termes :
« Matthieu entreprit donc aussi d'écrire son Évangile chez les Hébreux et en leur propre langue, pendant que Pierre et Paul annonçaient l'évangile à Rome et y fondaient l'Église. [3] D'un autre côté, après leur départ, Marc, le disciple et l'interprète de Pierre, nous transmit lui aussi par écrit ce que son maître prêchait, et Luc, le compagnon de Paul, mit dans un livre, l'évangile que celui-ci annonçait, [4] Ensuite Jean, le disciple du Seigneur, qui a reposé sur sa poitrine, publia lui aussi l'Évangile, tandis qu'il habitait à Éphèse en Asie.»
[5] Irénée dit ces choses au troisième livre de l'ouvrage cité plus haut : au cinquième, il s'explique ainsi au sujet de l'Apocalypse de Jean et du nombre formé par les lettres du nom de l'Antéchrist : « Les choses étaient ainsi, et dans toutes les copies sérieuses et anciennes le nombre s'y trouvait ; ceux qui ont vu Jean de leurs yeux en font foi eux-mêmes, et le calcul nous apprend que le nombre du nom de la bête, selon la manière de compter des Grecs, paraît dans les lettres qu'il contient. »
[6] Un peu plus loin, il dit sur le même sujet : « Nous ne nous risquerons donc pas de nous déclarer d'une façon ferme sur le nom de l'Antéchrist ; car s'il eut fallu publier clairement son nom à cette époque-ci, il aurait été prononcé par celui qui a vu aussi la révélation ; celle-ci en effet, a eu lieu il n'y a pas longtemps mais presque de notre génération, vers la fin du règne de Domitien. ».
[7] Voilà ce qu'Irénée raconte encore de l'Apocalypse :il mentionne aussi la première épître de Jean et en apporte très souvent le témoignage, de même également pour la première épître de Pierre. Non seulement, il connaît, mais encore il reçoit l'écrit du Pasteur quand il dit : 69 «C'est donc à bon droit que l'Écriture dit : « Tout d'abord, crois que Dieu est un, qu'il a tout créé et ordonné », et la suite.
[8] Il se sert encore plus loin de quelques paroles de la Sagesse de Salomon disant à peu près : « La vision de Dieu procure l'incorruptibilité et l'incorruptibilité nous fait être proches de Dieu. »
Il mentionne encore des Mémoires d'un presbytre apostolique dont il a passé le nom sous silence et il cite de lui des Commentaires des divines Écritures. [9] Il fait aussi mention de Justin le martyr ainsi que d'Ignace, et il se sert encore de témoignages tirés de leurs écrits. Il promet de répondre à Marcion à l'aide de ses propres ouvrages dans un travail spécial.
[10] En ce qui concerne aussi la version, par les Septante, des Écritures inspirées de Dieu, voici ce qu'il dit en propres termes : « Dieu donc se fit homme, elle Seigneur lui-même nous sauva en nous donnant le signe de la vierge, mais non pas comme le disent quelques-uns de ceux qui osent maintenant changer l'interprétation de l'Écriture : «Voici que la jeune fille aura dans son sein et enfantera un fils », comme traduisent Théodotion d'Éphèse et Aquila du Pont, tous deux prosélytes juifs, à la suite desquels les Ébioniles disent qu'il est né de 71 Joseph. »1 [11] Peu après cela, il ajoute ces paroles : « Avant que les Romains ne fussent maîtres de leur empire, quand les Macédoniens possédaient encore l'Asie, Ptolémée Lagus désira orner la bibliothèque qu'il avait fondée à Alexandrie, des écrits de tous les hommes qui méritaient l'attention; il demanda aux gens de Jérusalem, d'avoir leurs Écritures traduites en langue grecque.2 [12] Les Juifs, qui obéissaient encore à celle époque aux Macédoniens, envoyèrent à Ptolémée soixante-dix vieillards, les plus habiles d'entre eux dans les Écritures et la connaissance des deux langues : Dieu faisait ce qu'il avait résolu.3 [13] Le prince voulut les éprouver individuellement; il prit ses précautions pour que réunis ensemble, ils n'obscurcissent point par leur traduction la vérité qui se trouve dans les Écritures; il les sépara les uns des autres et ordonna à tous de faire la même traduction, et il lit cela pour tous les livres.4 [14] Ils se réunirent d'autre part dans un même lieu chez. Ptolémée, et comparèrent la version de chacun d'eux. Dieu fut alors glorifié, et les Écritures furent reconnues pour être vraiment divines : tous avaient exprimé les mêmes pensées dans les mêmes termes et les mêmes mots, du commencement à la fin. Aussi bien, les païens qui étaient là se rendirent compte, eux aussi, que les Écritures avaient été traduites sous l'inspiration de Dieu. [15] Et il n'y a d'ailleurs rien d'étonnant que Dieu ail opéré cela, car au temps de la captivité du peuple sous 73 Nabuchodonosor, alors que les Écritures étaient corrompues et comme les Juifs, après soixante-dix ans, revenaient dans leur pays, à l'époque suivante, au temps d'Artaxerxés, roi des Perses, il inspira à Esdras, prêtre de la tribu de Lévi, de restituer tous les livres des prophètes antérieurs et de rétablir pour le peuple la loi promulguée par Moïse. »5
Voilà ce que dit Irénée.
-
Discussion connue sur le sens de Phébreu , traduit en παρθένος « vierge », par les LXX (cf. Mr., i, 43), en νεᾶνις, «femme jeune », par Thôodolion et Aquila. ↩
-
Le récit qui suit est fondé sur la fabuleuse lettre d'Aristée, officier de Ptolémée Philadelphe (285/283-247 av. J.-C), écrite en réalité au ιer siècle avant notre ère. Voy. l'éd. de P. WENDLAND, dans la « Bibliotheca teubneriana», Leipzig, 1900, ou dans H. B. SWETE, Introduction to the old Testament in Greek, Cambridge, 1900, p. 499, l'édition de II. St. J. THACKERAY. ↩
-
τοῦ θέου mss. syr. lat., cf. Prép. Ev. t VIII, 6. IRENEE : « facturos hoc quod ipse voluisset », d'où l'on déduil τοῦθ'. ↩
-
ἑρμηνείαν γράφειν 517 mss. (ἑ. ποιήσασθαι) syr., eadem interpetari lat., ἑρμηνεύειν γραφήν IREN.; mais le syr. omet la traduction de τὴν αὐτήν. ↩
-
ὅς γε mss. syr., cum lat., ὅτε IREN. ↩