CHAPITRE XXIII : DE LA QUESTION DE LA PAQUE SOULEVÉE ALORS
Une question d'importance assurément non médiocre, fut soulevée à cette époque. Les chrétientés de toute l'Asie, d'après une tradition fort antique, pensaient 121 qu'il fallait garder, pour la fête de Pâque du Sauveur, le quatorzième jour de la lune, auquel il était ordonné aux Juifs d'immoler l'agneau, et qu'il fallait alors absolument, quelque jour de la semaine qu'il puisse arriver, mettre fin au temps du jeûne. Mais les églises de tout le reste de la terre n'avaient pas coutume d'observer celle conduite, elles suivaient, en vertu d'une tradition apostolique, l'usage en vigueur aujourd'hui, et pensaient qu'en aucun autre jour, si ce n'est celui de la résurrection de notre Sauveur, il ne convenait de mettre fin au jeûne.1
[2] Des synodes et des assemblées d'évêques se réunirent à celle même époque, et tous unanimement, en des lettres, portèrent un décret de l'Église pour les fidèles de tous les pays. Ils décidèrent que le mystère de la Résurrection du Seigneur d'entre les morts ne serait pas célébré un autre jour que le dimanche, et que, ce jour-là seulement nous observerions la lin des jeûnes de Pâque.
[3] On a encore aujourd'hui la lettre émanée des évêques assemblés alors en Palestine et que présidèrent Théophile, évêque de l'église de Césarée, et Narcisse, évêque de celle de Jérusalem. On a pareillement une autre lettre des évêques réunis à Rome pour la même question, et qui nous montre que Victor était évêque. On possède aussi celle des évêques du Pont, présidés par Palmas, en qualité de plus ancien ; celle des chrétientés de Gaule, dont l'évoque était Irénée;2 [4] celle encore des évêques de l'Osroène et des villes «le ce pays ; on a encore spécialement les lettres de Bacchyle, évoque de l'église de Corinthe, et d'un grand 123 nombre d'autres. Ils exposent la même et unique opinion et décision, et établissent le même décret. Et leur unique règle de conduite était celle qui a été dite.3
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Sur la controverse pascale, voy. DUCHESNE, p. 285. ↩
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τῶν ἐπὶ Ῥώμης, C'est-à-dire συγκεκροτημένων, exprimé plus haut (VALOIS), Heinichen entend à tort : « les gens de Rome», c'est-à-dire Victor. ↩
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Par l'usage de l'Osrhoène, au nord-ouest de la Mésopotamie, on atteint indirectement celui d'Antioche (DUCHESNE, p. 290). ↩