CHAPITRE XI : LES HÉRÉSIARQUES DE CES TEMPS
[1] « Valentin vint en effet à Rome sous Hygin, y fut dans tout son éclat sous Pie et y demeura jusqu'à Anicet. Cerdon, le prédécesseur de Marcion, vécut lui aussi sous Hygin, qui était le neuvième évêque [de Rome]. Il entra dans l'Église, et confessa son erreur ; mais il y persévéra, tantôt enseignant sa doctrine en secret, tantôt la désavouant de nouveau, tantôt convaincu de donner des enseignements mauvais, et il se retirade l'assemblée des frères. »1
[2] Irénée nous donne ces détails au troisième livre de son ouvrage contre les hérésies. Du reste au premier, il avait déjà dit ceci de Cerdon :
« Un certain Cerdon, qui se rattache par ses origines aux sectateurs de Simon, résidait à Rome sous Hygin, le neuvième héritier de la succession épiscopale depuis les apôtres. Il enseignait que le Dieu annoncé par la loi et les prophètes n'était pas le Père de notre Seigneur Jésus-Christ. Celui-ci est connu, l'autre ne l'est pas ; l'un est juste, l'autre est bon. Son successeur, Marcion, originaire du Pont, développa son enseignement et blasphéma sans pudeur. »
[3] Le même Irénée explique abondamment l'abîme sans 401 fond de matière que Valentin a enveloppée d'erreurs ; puis, il dévoile sa malice cachée et sournoise semblable à celle d'un reptile qui se blottit dans un trou. [4] II apprend en outre qu'un autre, du nom de Marc, était la même époque très habile en jongleries magiques il décrit même en ces termes leurs mystères grossiers et leurs initiations abominables :
« [5] Les uns préparent un lit nuptial et accomplissent un rite secret en prononçant je ne sais quelles paroles sur ceux qu'ils initient. Ils disent que ce qu'ils font là sont des noces pneumatiques, à l'image des noces d'en haut. Les autres conduisent les initiés vers l'eau et les y plongent en disant : « Au nom du Père « inconnu de toutes choses, dans la Vérité mère de tout « et dans celui qui est descendu en Jésus. » D'autres enfin prononcent des mots hébreux pour frapper davantage ceux qu'ils initient. »
[6] Mais après quatre ans d'épiscopat, Hygin mourut, et à Rome, Pie prit en main l'administration de l'église. D'autre part, à Alexandrie, après les treize années entières du gouvernement d'Eumène, Marc fut désigné comme pasteur, et, après dix ans, il laissa la charge de l'Église d'Alexandrie à Céladion. [7] Dans la ville de Rome, lorsque Pie fut mort après un épiscopat de quinze années, Anicet y devint chef de l'Église. C'est sous lui qu'Hégésippe nous raconte qu'il fut à 403 Rome et qu'il y demeura jusqu'à l'épiscopat d'Eleuthère.
[8] C'est à cette époque surtout que brillait Justin. Il prêchait la parole divine sous l'habit de philosophe et il défendait la foi dans ses écrits. L'un de ceux-ci est dirigé contre Marcion qui vivait encore, nous dit-il, au moment où il écrivait. Voici ses paroles (voy. l'Appendice)2 :
« [9] Un certain Marcion, originaire du Pont, enseigne encore actuellement à ceux qui l'écoutent, qu'il faut admettre un Dieu plus grand que le Créateur. Grâce à l'aide des démons, il a amené partout beaucoup d'hommes à blasphémer, à nier que l'auteur de cet univers soit le Père du Christ et à reconnaître qu'en dehors de lui, il existe un autre être plus grand. Ainsi que nous l'avons dit, tous les sectateurs de ces hommes sont appelés chrétiens à la manière des philosophes auxquels, bien que leurs doctrines soient différentes, le nom de la philosophie est commun. »3
[10] II ajoute ceci :
« Nous avons composé un livre contre toutes les hérésies qui existent ; si vous voulez le lire, nous vous le donnerons. »
[11] Ce même Justin, en outre de travaux excellents destinés aux Grecs, rédigea encore d'autres ouvrages contenant l'apologie de notre foi. Il les adressa à l'empereur Antonin surnommé le Pieux et au Sénat romain ; car il vivait alors à Rome. Il déclare qui il est et d'où il vient, en ces termes tirés de l'Apologie.
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ἕνατος mss., syr., lat. ; EPIPHANE, XLI, I ; XLII, 1: CYPRIEN, Epist., LXXIV, 2. De même dans l'extrait suivant. § 2. Mais l'ancienne traduction latine a ici octauus, cl cf. plus loin, V, vi, 4. « Hic error antiquissimus est » VALOIS. ↩
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γνωριζομένου : voy. la note sur III, xxii. ↩
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Sur les variantes de Justin et les difficultés de ce passage, voy. l'édition PAUTIGNY, p. xxxn. Nous ne savons rien de plus d'un ouvrage spécial de Justin contre Marcion. ↩