14.
Voilà pourquoi le Seigneur nous a revêtus de la cuirasse de la justice et ceints de la ceinture de vérité ; c'est pour cela qu'il a placé sur notre tête le casque du salut, chaussé nos pieds des sandales de l’Apostolat , de la bonne nouvelle et de la paix, remis dans nos mains le glaive spirituel et allumé dans nos coeurs lé feu divin. Voyez ce soldat avec le casque , les bottes , la cuirasse , le glaive , la lance, le bouclier, les javelots, les flèches, le carquois; déjà la trompette éclatante a sonné et appelé au combat, déjà les ennemis furieux se précipitent et s'efforcent de renverser la ville de fond en comble ; ce soldat, dis-je, voyez-le, non pas s'élancer au combat, mais entrer dans la maison , s'asseoir tout armé auprès d'une femme; si vous le pouviez, ne le transperceriez-vous pas de votre glaive, sans même daigner lui adresser un reproche ? Si vous êtes transporté d'une telle colère, comment pensez-vous que Dieu soit disposé envers celui qui se conduit encore plus indignement? Le désordre que j'attaque est plus honteux, plus absurde, que celui auquel je le compare, parce que la guerre est plus importante, les ennemis plais terribles, les récompenses plus belles, en un mot, parce qu'il y a entre ces deux ordres de choses la même différence qu'entre l'ombre et la réalité.
Ainsi, ne laissons pas nos courages s'amollir et nos forces s'épuiser dans ces conversations qui font à notre âme un mal considérable, un mal profond. Et que serait-ce donc si, à notre insu, l'amour venait nous enivrer? Le comble de notre malheur, c'est que sans comprendre ce qui nous énerve, nous devenons cependant plus mous que la cire la plus molle. Si quelqu'un saisissait un lion superbe, à l'œil farouche, lui rasait la crinière, lui brisait les dents, hua coupait les griffes, le rendait tout honteux, ridicule, et le mettait dans un tel état, qu'un enfant pourrait facilement s'emparer de cet animal terrible, dont le seul rugissement naguère ébranlait les déserts, il aurait devant lui une image des hommes que les femmes prennent dans leurs filets et livrent sans difficulté au démon comme une vile proie. Ils deviennent faibles, emportés, effrontés, imprudents, colères, cruels, rampants, téméraires, lâches, badins, en un mot, ils ont tous les vices des femmes dont ils subissent la domination.
Non, il est impossible qu'un homme qui se plaît tant avec les femmes et qui ne sort pas d'une atmosphère si énervante ne soit pas un coureur, un être ignoble; toujours errant sur les marchés. Ouvre-t-il la bouche, c'est pour parler de laines et de tapisseries ; il devient bavard comme une femme; toutes ses actions sont marquées au coin de la plus grande bassesse; loin de lui , bien loin, la liberté chrétienne; il n'est bon à rien d'élevé, à rien de grand. Il est déjà incapable de s'occuper utilement des choses temporelles, civiles, à plus forte raison des choses spirituelles qui sont si grandes et qui réclament des esprits tellement supérieurs, qu'il faut, pour y atteindre, les vertus des anges ! Corrompus par les vierges, ces hommes les corrompent à leur tour. Car, autant ces clercs sortent de leur condition pour plaire à ces vierges, autant celles-ci s'éloignent, en demeurant avec des hommes , de la voie qui leur convient; ils se perdent ainsi mutuellement.
Ces femmes se parent avec plus de recherche, soignent leur mise, leur tournure, tout leur extérieur; elles s'occupent toute la journée de bagatelles qui ne sont nullement permises; s'apercevant que les hommes aiment avec passion ces moeurs pleines de mollesse et ces conversations frivoles et efféminées, elles mettent tout leur soin à les charmer par là de plus en plus, à resserrer toujours davantage les noeuds qui les enchaînent.