16.
Rien ne nous réjouit comme une conscience pure et ses douces espérances.
Est-ce le repos que vous désirez? déjà on vous a montré que ce repos, vous l'auriez plus facilement si un frère habitait avec vous ; votre condition actuelle ne diffère en rien de celle d'un esclave; vous cherchez le repos et vous avez trouvé la plus lourde servitude; lorsque vous aurez secoué votre joug, vous serez du nombre de ceux qui commandent, et non plus du nombre de ceux qui obéissent. Ainsi donc, d'une part, le chagrin au lieu du bonheur, la confusion au lieu de la gloire, la servitude au lieu de la liberté, la fatigue au lieu du repos; ajoutez l'outrage fait à Dieu, la perte de tant d'âmes, tant de scandales, un châtiment perpétuel et la chute de tant de fidèles; d'autre part, c'est tout l'opposé, la gloire, l'honneur, le plaisir, la confiance, la liberté, le salut des âmes l'héritage du royaume céleste, la fuite du châtiment; et vous hésitez à abandonner le premier parti pour le second? Pour moi, je ne vois pas ce qui peut vous arrêter, à moins que vous ne désiriez vous-même votre perte; car, si vous ne changez de vie, ne comptez pas sur le pardon. Quand vous ne trouveriez aucun des avantages dont je viens de parler, vous devriez encore tout souffrir pour la gloire de Dieu. Lorsque, pouvant obtenir et les biens présents et les biens futurs, nous nous perdons nous-mêmes en outrageant Dieu, qui donc nous sauvera, nous délivrera du supplice qui nous menace? personne assurément.
Examinons sérieusement toutes ces raisons en nous-mêmes, pesons-les, et enfin, quoiqu'un peu tard, cherchons à réparer le mal et à sauver nos âmes; que si nous éprouvons quelque peine à rompre avec une longue habitude, employons pour y réussir toute la force de notre raison, surtout implorons le secours de la grâce de Dieu et persuadons-nous bien qu'il suffit de commencer pour que le reste devienne facile. C'est le seul moyen de triompher d'une mauvaise habitude. Séparez-vous pendant dix jours, vous supporterez plus facilement la séparation pendant vingt et ensuite pendant deux fois autant; puis avançant graduellement vous ne sentirez plus la difficulté que vous avez éprouvée d'abord, et vous verrez que ce qui demandait dans le commencement tant de luttes était très-facile; vous contracterez ensuite une autre habitude sans trouver ce changement si difficile que vous l'aviez cru d'abord; la joie d'une bonne conscience viendra se joindre à l'habitude pour avancer et pour affermir l'œuvre de votre conversion.
Alors les femmes vous admireront, Dieu vous aimera, les hommes vous honoreront et vous vivrez libre, heureux ! Quoi de plus heureux que d'être délivré des remords de sa conscience; de terminer une lutte perpétuelle avec ses passions, et de se tresser à soi-même la couronne si belle de la chasteté, de regarder librement le ciel, et, le coeur pur, d'invoquer le Seigneur, maître de l'univers. Le prisonnier qui voit tout à coup tomber ses fers, que l'on retire du fond ténébreux d'un cachot infect, que dis-je, l'aveugle qui recouvre la vue, et que la lumière du jour, en éclairant tout à coup ses yeux, fait tressaillir de bonheur, éprouvent-ils une joie, des transports comparables à ceux de cet homme délivré de la servitude de ses passions? L'usage de la lumière a moins de douceur que la délivrance d'une âme longtemps asservie; la tyrannie d'une habitude vicieuse est plus lourde à supporter que des chaînes de fers, que les horreurs d'un cachot.