18.
Dans les siècles anciens , on ne demandait pas à Salomon une aussi grande sagesse ; la loi ancienne n'interdisait pas les plaisirs, elle ne disait pas qu'ils n'étaient que vanité, et pourtant Salomon, au milieu de tous ces plaisirs, put voir par lui-même leur vanité et leur folie. Pour nous, nous sommes appelés à une vie plus parfaite, nous cherchons à atteindre un but plus élevé et nous nous exerçons dans une arène; les combats sont plus difficiles. La vie à laquelle nous sommes appelés, c'est celle des vertus et des intelligences célestes , celle des purs esprits. N'est-ce pas une chose honteuse, digne du dernier supplice, que de se montrer si inférieur à cette sublime vocation , et non-seulement de ne pas triompher comme Salomon des plaisirs permis, mais de rechercher ceux qui sont défendus et qui seront pour nous la cause d'insupportables tourments ? Nourrir dans son coeur un amour coupable, regarder une femme avec concupiscence, contempler sa beauté avec des yeux passionnés, se déshonorer soi-même, nuire aux faibles, être une occasion de blasphème aux païens et aux Juifs, perdre les enfants de la maison de Dieu, aussi bien que les étrangers , occasionner toutes sortes d'outrages contre la gloire de Dieu, se vouer à un vil ministère, se jeter dans une foule d'occupations séculières, échanger, dans un pacte infâme avec le démon, la liberté, ce don du Christ, ce prix de son sang, contre la plus cruelle tyrannie; se rendre ridicule à ses amis, méprisable à ses ennemis, perdre la réputation de l'Eglise ; avilir la glorieuse profession des vierges, fournir aux impudiques des excuses, causer enfin beaucoup d'autres maux encore, car on ne peut savoir, on ne peut dire tout ce qui résulte de cette oeuvre d'iniquité : voilà certainement ce que Dieu défend très-sévèrement, ce qu'il punira avec la dernière rigueur.
Admettons qu'il y ait là.quelques petites jouissances; nous avons à lui opposer la moquerie, la honte, les soupçons de la part de beaucoup, les réprimandes, les injures, les reproches, le ver qui ne meurt point, les ténèbres extérieures, le feu inextinguible, la tribulation, l'angoisse, le grincement de dents, les liens indissolubles de l'enfer. Pesons tout cela comme dans une balance, et à la vue du châtiment qui nous attend, revenons sur nos pas, quoique tard, repoussons bien loin une maladie si pernicieuse, afin que nous puissions sortir de ce monde le front ceint d'une brillante couronne et dire à Jésus-Christ avec une entière liberté : « Pour vous et pour votre gloire nous avons brisé des liens coupables, commandé à nos passions, sacrifié nos affections, et foulant aux pieds tout autre amour et tout jugement humain nous avons à tout le reste préféré vous et votre amour. »
C'est le moyen de nous sauver, de sauver nos malheureuses complices, de sauver ceux que nous scandalisons, et de nous mettre sur le même rang que les martyrs; oui, nous serons au premier rang ! Car un homme quia longtemps porté le joug de la concupiscence, qui a été enchaîné dans les liens d'une douce et ancienne habitude, et qui ensuite est amené par la crainte de Dieu à rompre ces liens, à s'attacher à ce que Dieu approuve, un tel homme n'est pas inférieur aux illustres martyrs qui ont courageusement enduré tant de tortures.
Rien n'est plus difficile que de rejeter une affection, un amour enraciné, que de se garder de mille occasions de pécher et de déployer les ailes de son âme pour s'envoler aux voûtes célestes. La souffrance des martyrs passe vite, l'autre lutte est de plus longue durée; les combats sont les mêmes, quant au mérite, les couronnes seront les mêmes aussi. Si celui qui sépare ce qui est précieux d'avec ce qui est vil devient comme la bouche de Dieu (Jérém. XV, 19), celui qui se délivrera lui-même et délivrera les autres d'une pensée coupable, songez quelle récompense il recevra; encouragé par cette récompense , libre , dégagé de tout lien, rejetez une intimité funeste, afin que, vivant selon la volonté de Dieu, vous puissiez, après le pèlerinage de cette vie, revoir votre amie dans le ciel, pour jouir en toute sécurité de sa conversation et de sa présence.
Les affections charnelles étouffées, les liens corporels brisés , il n'y aura aucun obstacle qui empêche l'homme et la femme de rester ensemble, les mauvais soupçons auront disparu; tous pourront, dans le ciel, mener éternellement la vie des anges et des pures intelligences, par la grâce et la bonté de Notre-Seigneur Jésus-Christ, avec lequel soit au Père dans l'unité du Saint-Esprit gloire, honneur, puissance, dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il !