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À une jeune veuve
6.
Eh quoi ! verseriez-vous des larmes parce que le Seigneur vous a soustraite à la domination de ces deux tyrans, et qu'il vous a mise à l'abri de leurs mortelles atteintes? Si votre époux vivait encore, ils ne cesseraient de vous harceler; et maintenant qu'il n'est plus, ils ne peuvent même s'insinuer dans vos pensées. La reconnaissance exige donc que vous cessiez de pleurer votre délivrance, et de regretter cette dure tyrannie, car plus le souffle de la gloire et de l'orgueil est violent, et plus il jonche notre coeur de ruines et de débris. La courtisane qui cache sous le fard les rides et la difformité de son visage, s'applaudit de séduire encore quelques jeunes gens inexpérimentés; dès qu'elle les tient enlacés dans ses liens, elle les traite avec plus de mépris que de vils esclaves. C'est ainsi que la gloire et l'orgueil font peser sur nous la plus flétrissante servitude.
La plupart des hommes considèrent les richesses comme une source de bonheur; mais celui qui vit sans ambition sait les mépriser. Avouons toutefois que le désintéressement est devenu l'auxiliaire de la gloire, et qu'on n'a .souvent refusé de s'enrichir que pour se faire honneur de sa pauvreté. Faut-il vous citer ces philosophes païens que vous connaissez bien mieux que moi: Epaminondas, Socrate, Aristide, Diogène, et Cratès qui fit don à ses concitoyens de ses champs pour nourrir leurs troupeaux? Les premiers, qui ne pouvaient s'enrichir facilement, voyant que la pauvreté les mènerait à la gloire, suivirent résolument cette voie. Cratès alla jusqu'à sacrifier ses biens, tant il était épris d'un fol amour pour ce tyran capricieux ! Ne nous plaignons donc point si le Seigneur nous a délivrés de tous les maux qu'enfante ce honteux et ridicule esclavage. La gloire ! voilà sans doute un mot sonore; mais que la réalité diffère de ce qu'il fait entendre ! Combien en cherchant la gloire n'ont rencontré que des moqueries ! Celui-là seul y parvient, et s'entoure de son éclat, qui la méprise sincèrement. Celui au contraire qui ambitionne l'admiration du vulgaire, et qui la recherche par mille moyens, s'éloigne de la véritable gloire : il ne l'atteindra jamais. Il ne rencontrera que les maux opposés, la raillerie, l'injure, la critique, la calomnie et l'offense.
C'est ce que nous voyons tous les jours se vérifier non-seulement chez les hommes, mais encore chez les femmes et principalement chez elles. La femme qui est simple et sans affectation dans son extérieur, dans sa démarche et dans ses habits, et qui ne cherche point à s'attirer l'attention, est admirée de tous. Qui ne la contemple avec bienveillance? Qui ne la bénit et ne publie ses louanges? Mais on déteste celle qui s'étudie, à briller,-on l'évite comme un monstre, et on l'accable de dédains et de malédictions. Tels sont les mécomptes dangereux que nous épargne le mépris de la vaine gloire; il fait plus, il nous met en possession des véritables biens. Il laisse notre âme se dilater librement, et nous accoutume peu à peu à détacher nos regards de la terre pour les élever vers le ciel. Quiconque n'ambitionne point l'estime des hommes, pratique la vertu avec calme et sécurité, et se montre supérieur à la bonne comme à la mauvaise fortune. L'adversité ne saurait l'ébranler ni l'abattre; et la prospérité ne le rend point fier, ni orgueilleux. Mais au milieu de cette incessante mutabilité des choses humaines, et parmi leurs vicissitudes, il demeure ferme et inébranlable. Ainsi nous apparaîtrez-vous bientôt toute désabusée du monde, et tout occppée du ciel. Alors cette gloire, que vous, regrettez aujourd'hui, ne vous semblera digne que de vos mépris; vous ne la considérerez que comme une gloire vaine, futile et mensongère.
Si vous pleurez encore la perte de cette sécurité dont la présence de Thérasius entourait et votre personne et vos biens, et si vous craignez les embûches de ces gens qui sont toujours prêts à exploiter nos malheurs, déposez le fardeau de vos misères dans le sein du Seigneur, et il soutiendra votre âme. (Ps. LIV, 23.) Consultez le passé, et voyez si tous ceux qui ont espéré en Dieu ont été confondus. Qui l'a invoqué, et s'est vu méprisé ? Qui a persévéré dans ses commandements, et s'est vu délaissé? (Eccli. II, 12.) Oui, Celui qui a su alléger le poids de vos douleurs, et vous rendre la paix de l'âme, saura bien aussi écarter les dangers qui vous menacent. La mort de votre époux a été le plus grand de vos malheurs, et puisque malgré votre jeunesse et votre inexpérience, vous l'avez supportée avec tant de courage et de fermeté, manqueriez-vous de force pour soutenir de nouvelles et plus légères épreuves? Au reste je prie le Seigneur de vous les épargner. Cherchez uniquement le ciel, et tout ce qui peut vous y conduire, vous deviendrez ainsi supérieure à tous les événements; et le prince des ténèbres ne pourra lui-même vous nuire, tant que vous vous occuperez de votre salut. Oui, qu'on nous ôte nos biens, et qu'on nous arrache la vie, peu importe, pourvu que nous sauvions notre âme.
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Letter to a young widow
6.
Tell me then dost thou lament this that God hath reserved thee from such a cruel bondage, and that He has barred every avenue against these pestilential diseases? For whilst thy husband was living they ceased not continually assaulting the thoughts of thy heart, but since his death they have no starting point whence they can lay hold of thy understanding. This then is a discipline which ought to be practised in future--to abstain from lamenting the withdrawal of these evils, and from hankering after the bitter tyranny which they exercise. For where they blow a heavy blast they upset all things from the foundation and shatter them to pieces; and just as many prostitutes, although by nature ill favoured and ugly, do yet by means of enamels and pigments excite the feelings of the youthful whilst they are still tender, and when they have got them under their control treat them more insolently than any slave; so also do these passions, vainglory and arrogance, defile the souls of men more than any other kind of pollution.
On this account also wealth has seemed to the majority of men to be a good thing; at least when it is stripped of this passion of vainglory it will no longer seem desirable. At any rate those who have been permitted to obtain in the midst of their poverty popular glory have no longer preferred wealth, but rather have despised much gold when it was bestowed upon them. And you have no need to learn from me who these men were, for you know them better than I do, Epaminondas, Socrates, Aristeides, Diogenes, Krates who turned his own land into a sheep walk. 1 The others indeed, inasmuch as it was not possible for them to get rich, saw glory brought to them in the midst of their poverty, and straightway devoted themselves to it, but this man threw away even what he possessed; so infatuated were they in the pursuit of this cruel monster. Let us not then weep because God has rescued us from this shameful thraldom which is an object of derision and of much reproach; for there is nothing splendid in it save the name it bears, and in reality it places those who possess it in a position which belies its appellation, and there is no one who does not laugh to scorn the man who does anything with a view to glory. For it is only he who has not an eye to this who will be enabled to win respect and glory; but he who sets a great value on popular glory, and does and endures everything for the sake of obtaining it is the very man who will fail to attain it, and be subjected to all the exact opposites of glory, ridicule, and accusation, scoffing, enmity and hatred. And this is wont to happen not only among men, but also among you women, and indeed more especially in your case. For the woman who is unaffected in mien, and gait, and dress, and seeks no honour from any one is admired by all women, and they are ecstatic in their praise and call her blessed, and invoke all manner of good things upon her; but a vain-glorious woman they behold with aversion and detestation, and avoid her like some wild beast and load her with infinite execrations and abuse. And not only do we escape these evils by refusing to accept popular glory, but we shall gain the highest advantages in addition to those which have been already mentioned, being trained gradually to loosen our hold of earth and move in the direction of heaven, and despise all worldly things. For he who feels no need of the honour which comes from men, will perform with security whatever good things he does, and neither in the troubles, nor in the prosperities of this life will he be very seriously affected; for neither can the former depress him, and cast him down, nor can the latter elate and puff him up, but in precarious and troubled circumstances he himself remains exempt from change of any kind. And this I expect will speedily be the case with your own soul, and having once for all torn yourself away from all worldly interests you will display amongst us a heavenly manner of life, and in a little while will laugh to scorn the glory which you now lament, and despise its hollow and vain mask. But if you long for the security which you formerly enjoyed owing to your husband, and the protection of your property, and immunity from the designs of any of those persons who trample upon the misfortunes of others "Cast thy care upon the Lord and He will nourish thee." 2 "For look," it is said, "to past generations and see, who ever placed his hope on the Lord and was put to shame, or who ever called upon Him, and was neglected, or who ever remained constant to His commandments and was forsaken?" 3 For He who has alleviated this intolerable calamity, and placed you even now in a state of tranquillity will also avert impending evils; for that you will never receive another blow more severe than this you would yourself admit. Having then so bravely borne present troubles, and this when you were inexperienced, you will far more easily endure future events should any of the things contrary to our wishes, which God forbid, occur. Therefore seek Heaven, and all things which conduce to life in the other world, and none of the things here will be able to harm thee, not even the world-ruler of darkness himself, if only we do not injure ourselves. For if any one deprives us of our substance, or hews our body in pieces, none of these things concern us, if our soul abides in its integrity.