6.
L’enfantement spirituel des âmes est leur privilège : eux seuls les font naître à la vie de la grâce par le baptême; par eux nous sommes ensevelis avec le Fils de Dieu, par eux nous devenons les membres de ce Chef divin. Aussi devons-nous non-seulement les respecter plus que les princes et les rois, mais encore les chérir plus que nos propres parents. Ceux-ci nous ont fait naître du sang et de la volonté de la chair; les prêtres nous font naître enfants de Dieu; nous leur devons notre heureuse régénération, la vraie liberté dont nous jouissons, notre adoption dans l’ordre de la grâce.
Les prêtres de l’ancienne loi avaient seuls le droit de guérir la lèpre, ou plutôt ils ne guérissaient pas, ils jugeaient seulement si l’on était guéri : et tu sais avec quelle ardeur on briguait la dignité sacerdotale chez les Juifs. (Lévit. XIV.) Pour nos prêtres, ce n’est pas la lèpre du corps, mais la lèpre de l’âme, dont ils ont reçu le pouvoir, lion de vérifier, mais d’opérer l’entière guérison. Ceux qui les méprisent sont donc plus sacrilèges que Dathan et ses (583) compagnons, et dignes d’un plus sévère châtiment. (Nomb. XVI.) Ceux-ci, en prétendant à une dignité qui ne leur appartenait pas, témoignaient du moins l’estime particulière qu’ils en faisaient, par l’ambition même qui les portait à la vouloir usurper. Mais aujourd’hui que le sacerdoce est en possession d’une autorité et d’une excellence bien plus relevées qu’autrefois, le mépriser deviendrait un crime encore plus odieux que celui d’y prétendre par des vues ambitieuses. Il n’y a aucune parité, sous le rapport de l’outrage, entre prétendre à une dignité à laquelle on n’a pas de droit, et mépriser les grands biens que le Sacerdoce résume en soi autant il y a loin de l’admiration au dédain, autant le second crime est plus grief que le premier. Quelle âme serait assez misérable pour mépriser de si augustes prérogatives? Aucune, à moins qu’elle ne fût au pouvoir et sous l’aiguillon de Satan.
Mais je reprends mon sujet où je l’ai laissé. Qu’il s’agisse de punitions à infliger, qu’il s’agisse de grâces à distribuer, les prêtres ont reçu de Dieu un plus grand pouvoir que nos parents dans l’ordre de la nature. Entre les uns et les autres la différence est aussi grande qu’entre la vie présente et la vie future. Nos parents nous engendrent à la première, les prêtres à la seconde. Ceux-là ne sauraient préserver de la mort corporelle, ni éloigner la maladie qui’ survient; ceux-ci guérissent souvent l’âme malade et qui va périr; tantôt ils adoucissent la peine due au péché, tantôt ils préviennent même la chute, par l’instruction et l’exhortation comme par le secours de leurs prières. Ils ont le pouvoir de remettre les péchés lorsqu’ils nous régénèrent par le baptême, et ils l’ont encore après. Quelqu’un, dit l’apôtre saint Jacques, est-il malade parmi vous, qu’il appelle les prêtres de l’Eglise; qu’ils prient sur lui, en l’oignant d’huile au nom du Seigneur: et la prière de la foi sauvera le malade, et Dieu le soulagera; et s’il a commis des péchés, ils lui seront remis. (Jacq. V, 14, 15.) Enfin les parents selon la nature ne peuvent rien pour leurs enfants, lorsqu’il arrive à ceux-ci d’offenser quelque prince, quelque puissant de ce monde. Les prêtres les réconcilient, non avec les princes et les rois, mais avec Dieu souvent irrité contre eux.
Après cela viendra-t-on encore nous accuser d’orgueil? Il me semble que les raisons que je viens d’exposer, si elles frappaient les oreilles d’un auditoire, seraient de nature à impressionner assez fortement les âmes, pour que l’accusation d’orgueil et d’audace fût lancée non plus contre ceux qui fuient le sacerdoce, mais contre ceux qui s’y ingèrent d’eux-mêmes, et qui le recherchent par une téméraire confiance. Si ceux à qui l’on confie l’administration d’une ville la ruinent et se perdent eux-mêmes, quand ils n’y apportent pas une sagesse et une surveillance continues; de quelle vertu, tant naturelle que divine, ne doit pas être doué, pour ne point faillir, celui à qui échoit la mission d’orner l’Epouse du Christ!