3.
Le pasteur parfait aura donc un caractère égal à son talent, et un talent égal à son caractère, ainsi soutenu des deux côtés, il ne faillira point dans sa mission. Un prédicateur s’est levé au milieu de la foule, il a déjà prononcé des paroles capables d’impressionner les coeurs tièdes et lâches; mais tout à coup il bronche et s’interrompt, il sent son indigence, il se trouble, il rougit: tout le fruit de ses premières paroles se perd et se dissipe incontinent ; ceux qu’il vient de gourmander, excités par les blessures douloureuses faites à leur amour-propre, et ne sachant comment se venger autrement, attaquent son ignorance avec sarcasme; c’est d’ailleurs un moyen pour eux de jeter un voile sur leurs opprobres.
Il faut donc que l’orateur sacré, tel qu’un habile conducteur, parvienne à régler si bien ces deux belles qualités, qu’il les fasse marcher de front vers un but utile. Lorsqu’il ne donnera plus prise à la critique, c’est alors qu’il pourra aussi facilement qu’il voudra, réprimander avec sévérité ou traiter avec indulgence les fidèles soumis à sa conduite: sans cette condition il lui sera difficile d’agir avec cette autorité. La grandeur d’âme ne doit pas se borner au mépris de la louange, il faut qu’on la pousse plus loin, si l’on ne veut pas que ce premier mérite reste imparfait.