3.
Nous allons si vous voulez, tirer de nouvelles preuves de ceux qui, chez les mêmes Juifs, ont entrepris de semer leur doctrine, qui ont rassemblé des disciples, et qui, dénoncés aux chefs de la nation, ont péri aussitôt sans laisser aucune trace. Voici tomme Gamaliel ferma la bouche à ses Compatriotes qu'il voyait furieux contre les disciples et altérés de leur sang. Voulant réprimer leur rage, il fit retirer un moment les apôtres, et parla ainsi dans le conseil: Prenez garde, Israélites, à ce que vous allez faire touchant les hommes qu’on vous dénonce. Il y a quelque temps qu'il s'éleva un certain Theudas, qui prétendait être quelque chose de grand. Il s'était attaché environ quatre cents hommes qui périrent tous avec lui, et furent dispersés. Judas de Galilée s'éleva ensuite. Il avait attiré beaucoup de monde: mais il périt, ainsi que Theudas, avec tous ses disciples. Voici donc ce que je vous dis dans la circonstance présente : Prenez garde â ce que vous allez faire. Si l'oeuvre que vous attaque, vient des hommes, elle se détruira; si elle vient de Dieu, vous ne pourrez la détruire, et vous seriez en danger de combattre contre Dieu même. (Act. V, 35 à 39.) Qu'est-ce donc qui prouve que, si elle vient des hommes, elle se détruira? Vous en avez l'expérience, leur dit-il, dans Judas et dans Theudas. Si Jésus, que prêchent ces hommes-ci ressemble aux deux autres; si tout n'est pas l'ouvrage de la puissance divine, attendez un peu, et vous serez convaincus par les faits mêmes ; vous apprendrez par l'événement si Jésus n'est qu'un imposteur, comme vous le dites, et un infracteur de la Loi, ou si c'est le Dieu dont la puissance ineffable maintient le monde qu'elle a créé, et gouverne toutes les choses d'ici-bas. Ils ont donc attendu d'après ce conseil; et la puissance invincible du Très-Haut s'est manifestée par les faits mêmes; et la ruse que le démon avait imaginée pour tromper un grand nombre d'hommes, s'est tournée contre lui. En effet, dès que cet esprit de malice s'aperçut que le Messie allait venir, voulant répandre des nuages sur son arrivée, et rendre suspecte sa mission, il fit paraître les imposteurs dont nous avons parlé plus haut, afin qu'il pût être confondu avec eux; et comme sur la croix il l'associa à deux brigands, il emploie le même artifice lors de sa venue, il s'efforce d'obscurcir la vérité par les nuages du mensonge. Mais, loin de réussir dans l'une et l'autre conjoncture, il n'a fait que montrer davantage la puissance de Jésus-Christ; car, pourquoi, je vous le demande, de trois hommes crucifiés dans le même lieu, dans le même temps, sur la condamnation des mêmes juges , un seul est-il adoré, tandis que les deux autres sont oubliés? pourquoi encore, lorsque plusieurs ont voulu introduire une morale nouvelle, un seul est-il honoré par toute la terre, tandis que le nom des autres est oublié jusqu'à ce jour ? Ce sont les comparaisons qui font ressortir la vérité avec plus d'éclat : comparez donc, ô Juifs, et cédez du moins à l'évidence. Un imposteur aurait-il pu établir par toute la terre un si grand nombre d'églises? aurait-il pu étendre son culte depuis une extrémité du monde jusqu'à l'autre? aurait-il pu se soumettre tous les hommes malgré une infinité d'obstacles? Non, assurément. Il est donc clair que Jésus-Christ n'est pas un imposteur, mais le Sauveur et le Bienfaiteur des hommes, le Principe de notre vie et de notre salut.
Je vais ajouter encore une prédiction, après quoi je reviens à mon sujet. Je ne suis pas venu, dit Jésus-Christ, apporter la paix sur la terre, mais l'épée (annoncant par là, non ce qu'il désirait, mais ce qui devait arriver); car je suis venu séparer le fils d'avec son père, la fille d'avec sa mère, la belle-fille d'avec sa belle-mère. (Matth. X, 34 et 35.) Comment, je vous prie, aurait-il pu faire cette prédiction; s'il n'était qu'un homme, et un homme du commun? Voici le sens de ces paroles. Vous le savez, souvent il arrive que dans une même maison il y a un fidèle et un infidèle, que par exemple le père veut entraîner son fils au culte des idoles, c'est ce fait même que Jésus-Christ prédit; la prédication, dit-il, aura une telle force, que les fils n'auront aucun égard pour leurs pères, les filles pour leurs mères, les parents pour leurs enfants. Non-seulement les hommes n'auront aucune considération pour leurs proches, ils sacrifieront même leur vie , ils supporteront tout et souffriront tout, afin de ne pas renoncer à la foi. Comment un simple homme, un homme ordinaire, a-t-il pu .prévoir, a-t-il pu -produire ces effets parmi les hommes? Comment lui est-il venu à l'esprit de penser que les enfants le respecteraient plus que leurs pères, que les pères le chériraient plus que leurs enfants, que les femmes l'aimeraient plus que leurs époux, et cela, non dans une maison seule, ni dans dix ni dans cent, mais dans toute l'étendue du monde, dans toutes les villes et dans tous les pays, sur terre et sur mer, dans les lieux habités et inhabités ! Et l'on rie peut pas dire qu'il ait prédit ces faits sans les amener à exécution. Combien d'hommes, dès la naissance de la Religion, et plus encore à présent, haïs pour la foi, chassés de la maison paternelle sans pouvoir y rentrer, ont été abondamment consolés par cela même qu'ils souffraient pour Jésus-Christ ! Quel homme, je vous le demande, eût pu imprimer ces sentiments dans le coeur d'un autre homme?
Or, le même qui a prédit la célébrité de la femme de l'Evangile, l'affermissement de l'Eglise, la violence d'une guerre intestine et domestique, a prédit aussi que le temple serait renversé, que Jérusalem serait prise, que les Juifs n'existeraient plus à l'état de peuple. Si donc les autres prédictions ont été fausses, si elles n'ont pas été accomplies, ne croyez pas non plus celles que vous attaquez. Mais si les autres brillent par l'événement d'un éclat qui augmente tous les jours, si les portes de l'enfer n'ont pas encore prévalu contre l'Eglise, si l'action de la femme de l'Evangile est célébrée par toute la terre après un si long espace de temps, si les hommes qui ont cru en Jésus-Christ l'ont préféré à leurs pères, à leurs épouses, à leurs enfants, pourquoi donc, je vous le demande, la prédiction que je défends est-elle la seule que vous refusiez de croire, et cela lorsque le témoignage de plusieurs siècles confond votre opiniâtreté? Si depuis la prise de Jérusalem il ne se fût écoulé que dix ans, ou vingt, ou trente, ou cinquante, ce ne serait pas encore une raison pour nier opiniâtrement la vérité de la prédiction, quoiqu'on eût un prétexte pour la contester. Mais s'il s'est écoulé non cinquante, mais plus de cent, plus de deux cents, plus même de trois cents ans, sans qu'on ait vu aucune ombre, aucune apparence d'une révolution que vous attendez toujours, pourquoi vous opiniâtrer contre tout droit et toute raison?