12.
Et vous doutez encore , Juifs incrédules, lorsque vous êtes confondus par la prédiction de Jésus-Christ, par celle de vos prophètes , et par le témoignage des faits eux-mêmes ! Mais on ne doit pas être surpris que vous résistiez à de telles preuves : de tout temps votre nation fut opiniâtre et dure, accoutumée à combattre l'évidence.
Voulez-vous que je vous oppose d'autres prophètes, qui annoncent clairement que votre empire aura Un terme, que le nôtre fleurira toujours, que la prédication du Christ se répandra par toute la terre, et que vos sacrifices abolis feront place à un sacrifice d'une autre nature ? écoutez Malachie, qui est venu après les autres prophètes; car je ne produirai plus le témoignage ni d'Isaïe, ni de Jérémie, ni des autres qui ont précédé la captivité, de peur que vous ne disiez que les maux qu'ils annonçaient sont arrivés dans la captivité: je produis un prophète qui, après le retour de Babylone et le rétablissement de Jérusalem, a prédit clairement ce qui vous regarde. Lorsque les Juifs furent de retour, qu'ils eurent recouvré leur ville, rebâti leur temple, recommencé leurs sacrifices, Malachie annonçant leur destruction présente et l'abolition de leurs sacrifices, leur parle de la sorte en la personne de Dieu : Je ne recevrai plus vos victimes, dit le Seigneur des armées; car depuis le lever du soleil jusqu'à son coucher, mon nom est grand parmi les nations; on brûle de l'encens devant moi en tout lieu, et l'on m'offre un sacrifice pur; mais vous l'avez profané. (Mal. I, 11.) Quand est-ce, ô Juifs , que cette prédiction a été accomplie? quand est-ce qu'on a brûlé en tout lieu de l'encens devant le Seigneur? quand est-ce qu'on lui a offert un sacrifice pur? vous ne pourriez citer d'autre temps qu'après l'arrivée de Jésus-Christ. Que si le Prophète ne parle pas du temps présent, ni de notre sacrifice, mais du vôtre, la prophétie contredira la Loi; car si, tandis que Moïse ordonne de n'offrir de sacrifice que dans le lieu qu'aura choisi le Seigneurs. si, tandis qu'il renferme les sacrifices dans un seul endroit, le Prophète dit qu'on doit brûler de l'encens en tout lieu et offrir un sacrifice pur, il combat la loi de Moïse, il lui est contraire. Mais il n'y a entre eux aucun combat, aucune contradiction : Moïse parle d'un sacrifice, et Malachie d'un autre. Et qu'est-ce qui le démontre? ce que nous venons de dire, et beaucoup d'autres preuves encore. D'abord le lieu même : il a prédit que ce culte ne serait pas renfermé dans une seule ville comme sous les Juifs, mais qu'il s'étendrait depuis le lever du soleil jusqu'à son coucher; ensuite la nature du sacrifice : en l'appelant pur, il annonce de quel sacrifice il parle; enfin les personnes qui l'offrent : il ne dit pas dans Israël, mais chez toutes les nations. Et pour que vous ne pensiez pas que ce culte doive se borner à une ou deux villes, il ne dit pas simplement en tout lieu, mais depuis le lever du soleil jusqu'à son coucher, voulant dire que l'Evangile serait prêché dans tous les lieux que le soleil éclaire. Il dit que le nouveau sacrifice sera pur , comme si l'ancien eût été impur, non par lui-même , mais par la disposition de ceux qui l'offraient. Aussi Dieu disait-il aux Juifs par la bouche du prophète Isaïe : Votre encens m'est en abomination. (Is. I, 13.) D'ailleurs, si l'on compare l'ancien sacrifice avec le nouveau, on y trouvera une si grande différence, que celui-ci par comparaison est le seul qu'on puisse appeler pur. Et ce que saint Paul a dit de la Loi et de la Grâce, que la gloire même de la Loi n'est pas une véritable gloire, si on la compare avec la sublimité de l'Evangile, (II Cor. III, 10), on peut le répéter ici avec assurance, on peut dire que le nouveau sacrifice est le seul pur, si on le compare avec l'ancien; car il s'offre non par la fumée et l'odeur des victimes, ni par le sang et le prix du rachat, mais par la grâce de l'Esprit-Saint.
Ecoutons un autre prophète qui fait la même prédiction, et qui dit que le culte du Seigneur ne serait plus renfermé dans un seul lieu, mais qu'il serait connu à l'avenir de tous les hommes. Voici donc comme s'exprime Sophonie : Le Seigneur paraîtra dans toutes les nations, il anéantira tous les dieux de la terre, et il sera adoré par chaque homme dans chaque pays (Soph. II, 11) : chose défendue par la loi de Moïse, selon laquelle on ne devait sacrifier que dans un seul lieu. Lors donc que vous entendez les prophètes annoncer que les hommes ne seraient plus obligés de se rassembler de toute part dans une seule ville ni dans un seul lieu; mais que chacun adorerait le Seigneur dans son pays, à quel autre temps pourriez-vous rapporter ces paroles, sinon au temps présent? Ecoutez comment l'Apôtre et les Evangiles s'accordent avec le Prophète. Le Prophète avait dit : Le Seigneur paraîtra; l'Apôtre dit : La grâce de Dieu notre Sauveur a paru; l'un avait dit dans toutes les nations; l'autre dit parmi tous les hommes; l'un avait dit : il anéantira tous les dieux de la terre; l'autre dit: pour nous apprendre que renonçant à l'impiété et aux passions mondaines nous devons vivre avec tempérance, avec justice et avec piété. Croyez-moi, femme, dit Jésus-Christ à la Samaritaine, le temps va venir que vous n'adorerez plus le Père, ni sur cette montagne, ni dans Jérusalem. Dieu est esprit, et il faut que ceux qui l'adorent, l'adorent en esprit et en vérité. Jésus-Christ parlait de la sorte pour nous dispenser par la suite de la nécessité d'observer les lieux, et pour introduire un culte plus sublime et plus spirituel.
De tout ce que nous avons dit, nous pourrions conclure qu'il n'y aura plus chez les Juifs ni roi, ni sacrifices, ni sacerdoce. C'est une conséquence nécessaire de la destruction de l'empire des Juifs, dont nous pourrions établir la vérité en citant les prophètes qui l'annoncent expressément ; mais je vois que vous êtes fatigués de la longueur de ce discours, et je crains de paraître vous ennuyer sans aucun fruit.
Ainsi donc , après m'être engagé â terminer ce sujet un autre jour, je vous exhorte à sauver vos frères, à les rappeler de l'erreur, à les ramener à la vérité: car il vous sera inutile de nous avoir entendu, si vous ne montrez des oeuvres qui s'accordent avec nos paroles. Ce n'est point pour vous que nous avons parlé, mais pour ces chrétiens faibles, afin qu'instruits par vous, et renonçant à des coutumes perverses , ils montrent en eux un christianisme pur et sans mélange, ils fuient comme des cavernes de voleurs, comme le domicile des démons , les assemblées criminelles des Juifs qui se tiennent dans la ville ou dans les faubourgs. N'abandonnez donc pas le salut de vos frères, mais ne négligeant rien, agissant avec tout le zèle dont vous êtes capables, ramenez des malades à Jésus-Christ, afin que dans la vie présente et dans la vie future, nous obtenions une récompense bien supérieure à nos mérites, par la grâce et la bonté de Notre-Seigneur Jésus-Christ, par qui et avec qui la gloire soit au Père, en même temps qu'à l'Esprit saint et vivifiant, maintenant et toujours, dans tous les siècles des siècles. Ainsi soit-il.