3.
Et après cela vous avez encore l'impudence de traiter Jésus-Christ d'imposteur, d'infracteur de la Loi ! et vous n'allez pas vous cacher de honte lorsque vous êtes confondus par une évidence aussi frappante ! Si Jésus-Christ n'était qu'un vil imposteur, un infracteur de la Loi, comme vous le dites, vous mériteriez même des louanges pour l'avoir fait mourir; car si Phinées, en immolant un seul homme, a fait cesser la colère divine contre toute la nation (Phinées parut , dit le Prophète , il apaisa le Seigneur, et le fléau cessa (Ps. CV, 20); si , dis-je, la mort d'un seul coupable en a soustrait un si grand nombre au courroux de Dieu, vous devriez à plus forte raison jouir du même avantage, supposé que celui que vous avez crucifié fût aussi coupable que vous le dites. Pourquoi donc Phinées, en immolant un seul criminel, a-t-il été regardé comme juste et honoré du sacerdoce (Nomb. XXV), tandis que vous , qui, à vous entendre , avez crucifié un imposteur, un ennemi du Très-Haut, loin d'obtenir des honneurs et des louanges, vous vous trouvez dans une situation plus déplorable que quand vous égorgiez vos fils? N'est-il pas manifeste aux yeux des plus stupides, que vous n'êtes punis si rigoureusement que parce que vous vous êtes élevés contre le Maître et le Sauveur du monde ? Cependant aujourd'hui vous vous abstenez de meurtres , de sacrilèges , vous observez le sabbat, tandis qu'alors vous violiez ce saint jour. Dieu s'engageait par la bouche de Jérémie à épargner votre ville, si vous cessiez de porter des fardeaux le jour du sabbat. Vous faites à présent ce qu'il demandait alors , vous ne portez pas de fardeaux le jour du sabbat; et il ne se réconcilie pas néanmoins avec vous, parce que , sans doute, votre dernier crime a surpassé tous les autres. Ainsi la raison que vous tirez de vos péchés n'a aucune force. Non, ce n'est point pour vos autres crimes, mais pour (attentat dont je parle , que vous êtes maintenant si malheureux. Sans cet attentat, le Seigneur ne vous aurait pas rejetés absolument, quand vous vous seriez rendus coupables de mille autres forfaits : ce qui est évident par toutes les preuves que je viens d'alléguer, et ce qui le sera encore plus par celle que je vais fournir.
Et quelle est cette nouvelle preuve ? Nous avons souvent entendu Dieu dire à vos pères par la bouche des prophètes : Vous méritiez de souffrir tous les maux, mais je vous épargne pour que mon nom ne soit pas profané parmi les infidèles (Ezéch. XX,19) ; et ailleurs: Maison d'Israël, ce n'est pas à cause de vous que je vous ménage, mais à cause de mon nom. (Ezéch. XXXVI, 22.) Voici le vrai sens de ces paroles Vous méritiez les châtiments les plus sévères, mais je vous défends, je vous protège, pour qu'on ne dise pas que c'est par faiblesse, par impuissance de les sauver que Dieu a livré les Juifs à leurs ennemis. Si donc le Christ que vous avez crucifié était un infracteur des lois divines, Dieu vous aurait sauvés quand même vous auriez commis une infinité de crimes, et des crimes beaucoup plus horribles que les précédents ; il vous aurait sauvés, pour que son nom ne fût pas profané, pour que le nom de son ennemi ne fût pas exalté, et qu'on ne pût pas dire que la mort de ce même ennemi avait causé votre désastre. Oui, s'il est reconnu que le Seigneur fermait les yeux sur vos péchés dans l'intérêt de sa gloire, il l'aurait fait aujourd'hui avec bien plus de raison; il aurait accepté la mort d'un imposteur comme un sacrifice capable d'expier toutes vos fautes. Mais puisqu'il vous rejette absolument, n'est-il pas clair que par ce courroux et cet abandon total il démontre aux plus opiniâtres que celui que vous avez mis à mort n'était pas un infracteur de la Loi , mais que celui qui vous avait été envoyé était le législateur même , l'auteur de tous les biens? Voilà pourquoi vous, qui l'avez traité outrageusement, vous êtes avilis et dégradés; tandis que nous, qui l'adorons, nous qui auparavant étions plus oubliés et plus décriés que vous tous, nous sommes à présent, par la grâce du Seigneur, plus respectés que vous tous, et plus favorisés.
Et qu'est-ce qui prouve, diront les Juifs, que nous sommes rejetés de Dieu ? Est-il encore besoin, je vous prie, de discours et de preuves? et, lorsque les faits mêmes parlent, lorsqu'ils se font entendre d'une manière plus éclatante que le son de la trompette, soit par la ruine de votre ville, soit par la destruction du temple, soit par tous les maux que vous avez éprouvés, vous demandez encore des preuves et des discours ! Ce sont les hommes, direz-vous, qui nous ont fait ces maux, et non pas Dieu. C'est Dieu, n'en doutez pas, qui en est le principal auteur.; mais si vous les attribuez aux hommes, considérez que ces entreprises des mortels, sans la permission du Très-Haut, n'auraient pu avoir leur entière exécution. Par exemple, lorsqu'un ennemi barbare se jeta sur votre pays avec toutes les forces de la Perse, se flattant de vous prendre tous sans peine, lorsqu'il vous tenait tous renfermés dans votre ville comme dans un filet, ne le vit-on pas alors, parce que Dieu vous était propice, sans guerre, sans choc et sans combat, laisser chez vous près de deux cent mille morts, et s'enfuir, trop heureux de sauver sa personne. Le Seigneur n'a-t-il pas ainsi terminé pour vous une infinité d'autres guerres? de sorte qu'encore à présent, s'il ne vous eût entièrement abandonnés, ceux qui ont détruit votre ville, renversé votre temple, n'auraient pas obtenu de si grands avantages; le sol de cet édifice ne serait pas resté désert jusqu'à ce jour, et tous les efforts tentés pour le rétablir n'auraient pas été inutiles.