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Werke Johannes Chrysostomus (344-407) In Matthaeum homiliae I-XC Commentaire sur l'Evangile selon Saint Matthieu
HOMÉLIE XVII

6.

Ainsi la mamelle d’une nourrice paraît inutile lorsqu’elle a nourri l’enfant, et qu’elle l’a rendu capable, d’une nourriture plus solide. On ne la considère plus alors; et le père qui la regardait auparavant comme étant si nécessaire à son fils, s’en moque ensuite. Plusieurs même y mettent quelque chose d’amer, afin que n’en pouvant retirer l’enfant par des paroles, ils arrêtent par cette amertume l’inclination violente qui sans cesse l’y ramène. Ainsi Jésus-Christ dit que le jurement venait d’un mauvais principe, non pour marquer que la loi ancienne vînt du démon, mais pour porter les hommes avec plus de force à se séparer de ses observances désormais trop imparfaites. C’est ainsi qu’il agit avec ses disciples (146). Mais pour ce qui est des Juifs, qui sont demeurés toujours inflexibles et opiniâtres dans leur aveuglement, il a voulu leur rendre leur ville inaccessible, comme on empêche les enfants d’approcher de la mamelle de leurs nourrices; et comme on y met quelque chose d’amer pour les en éloigner, il a voulu aussi les éloigner de Jérusalem par la crainte d’un siége, et par l’appréhension de perdre leur liberté. Et parce que cela ne suffisait pas pour les écarter, et qu’ils désiraient toujours de revoir leur ville, comme un enfant qui veut reprendre la mamelle de sa nourrice, Dieu se vit enfin réduit à la cacher entièrement, à la détruire tout à fait, et à disperser la plupart d’entre eux dans des pays éloignés, les traitant comme ces animaux qu’on enferme et qu’en sépare de leurs mères lorsqu’on veut les en sevrer, afin que la longueur du temps leur apprenne à se désaccoutumer enfin de cette nourriture, et comme du lait de la loi, pour passer à une autre plus solide.

Si l’ancienne loi avait eu le démon pour auteur, elle n’aurait jamais défendu l’idolâtrie, et elle en eût fait un commandement exprès, puisque le démon n’aime rien tant que cette impiété sacrilège. Cependant nous voyons tout le contraire, et c’est- pour cela même qu’elle permettait de jurer, et afin que les hommes ne jurassent point par les idoles « Jurez, »leur dit-elle, « par le véritable Dieu. » Il est donc vrai que la loi ancienne a été très utile, puisqu’elle a élevé les hommes pendant leur enfance, et qu’elle les a rendus capables d’une nourriture plus solide.

Mais quoi! me direz-vous, est-ce un mal que de jurer? Oui c’en est un, depuis que règne la perfection évangélique, mais auparavant ce n’était pas un mal. Vous me répondrez sans doute: Comment ce qui était autrefois un bien est-il devenu maintenant un mal? Et moi je vous demande au contraire: Comment peut-on nier que ce qui est bon en un temps ne l’est plus en un autre, puisque nous voyons cette vérité dans tous les arts, dans tous- les fruits de la terre, et dans toute la nature? Considérez premièrement ce qui se passe dans notre enfance. C’est un bien lorsqu’on est enfant d’être sur les bras; mais ce serait un mal de l’être encore lorsqu’on est homme. C’est un bien quand on est petit de sucer le lait d’une nourrice; mais ce serait un mal de le faire quand on est grand. L’enfant au berceau veut qu’on lui mâche sa nourriture, tandis que cela répugnerait à l’homme fait. Ainsi vous voyez que la différence des temps rend les mêmes choses tantôt bonnes tantôt mauvaises. Un habit d’enfant sied bien à un enfant: mais il serait in supportable dans un homme. Ce qui est de même propre à l’homme, ne l’est pas à un enfant. Habillez un enfant en homme, tout le monde s’en rira, et cet habit même pourrait le faire tomber. Donnez à un enfant le soin du commerce, d’une ferme, des affaires civiles, et tout le monde se moquera de vous.

Mais que dis-je ? Nous avons encore des preuves plus grandes de cette vérité. L’homicide est certainement l’ouvrage du démon, et néanmoins un homicide a mérité à Phinée l’honneur du sacerdoce. Jésus-Christ, lorsqu’il disait aux juifs: « Vous voulez exécuter les désirs de votre père. Il a été homicide dès le « commencement (Jean, VIII, 44) ,» fait assez voir que c’est le démon qui a appris à tuer les hommes: et néanmoins Phinée tue un homme, et ce meurtre lui est imputé à justice Abraham, pour avoir voulu tuer un homme seulement, mais son propre fils, ce qui est bien plus grave, en devient plus juste et plus agréable aux yeux de Dieu. Saint Pierre tue Ananie et Saphira, et il les tue par un mouvement du Saint-Esprit.

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