6.
N’entendez-vous point ce que dit saint Paul: « Que tout ce qui est écrit, est écrit pour notre instruction? » (Rom. XV, 4.) Si l’on voulait vous faire toucher l’Evangile avec des mains malpropres, vous ne voudriez jamais le faire, et cependant vous ne croyez pas qu’il soit nécessaire de savoir ce qu’il enseigne. C’est là la cause du dérèglement général que l’on voit aujourd’hui parmi les hommes.
Si vous voulez éprouver combien la lecture de l’Ecriture sainte est utile, examinez-vous vous - mêmes. Voyez dans quelle disposition vous êtes , ou lorsque vous écoutez des psaumes, ou lorsque vous entendez ces chansons diaboliques ; lorsque vous êtes à l’église, ou lorsque vous êtes au théâtre; et vous serez surpris de voir combien votre âme étant la même, est néanmoins différente d’elle-même dans ces rencontres. C’est pourquoi saint Paul disait : « Les mauvais entretiens corrompent « les bonnes moeurs. » (I Cor. XV, 33.) Nous avons continuellement besoin des cantiques du Saint-Esprit. Chanter les louanges de Dieu est le plus beau privilège de l’homme, rien ne le distingue autant des bêtes qui ont cependant sur lui de nombreux avantages. C’est là, la nourriture de l’âme ; c’est là son ornement; c’est là son assurance ; au contraire la négligence de la parole de Dieu lui cause la faim et la-mort: « Je leur enverrai, » dit Dieu, « non la famine du pain ni la soif de l’eau, mais la famine de la parole de Dieu. » (Amos, VIII, 11.)
Qu’y a-t-il de plus déplorable que d’attirer volontairement sur vous un malheur dont Dieu menace les hommes comme d’un très grand supplice, et de réduire vous-même votre âme à une faim cruelle qui la met dans une extrême langueur? Car c’est par la parole que l’âme se perd ou qu’elle se sauve. Un mot l’enflamme de colère, et un mot l’appaise; une parole déshonnête la jette dans une passion brutale, et une parole modeste et grave la rend chaste et pure. Si donc la parole d’un homme produit de si grands effets, comment pouvez-vous mépriser la parole de Dieu même? Et si l’exhortation d’un homme est si puissante, combien celle de l’Esprit-Saint le sera-t-elle davantage?
Une parole de l’Ecriture excite souvent dans l’âme une flamme plus vive que le feu, et la rend capable des actions les plus belles. C’est ainsi qu’autrefois saint Paul abaissa l’orgueil des Corinthiens, qui se glorifiaient d’une chose dont ils eussent dû rougir, et qu’ils devaient étouffer dans un éternel silence. Mais lorsque (19) cet apôtre leur eût écrit, voyez quel changement ses paroles firent en eux, comme il leur en rend témoignage lui-même: « Voyez, en effet » dit-il, « ce qu’a produit en vous cette tristesse selon Dieu que vous avez ressentie: quelle sollicitude, quel soin de vous justifier, quelle indignation, quelle crainte, quel désir, quel zèle, quelle ardeur pour punir le crime ! » (II Cor. VII, 11.).
C’est ainsi que vous réglerez vos serviteurs, vos enfants, vos femmes et vos amis, et que vous forcerez vos ennemis mêmes à vous aimer. C’est par ces paroles saintes, que tant de grands hommes si chéris de Dieu, se sont avancés dans la vertu. David après son péché écouta la parole du Prophète, et il embrassa aussitôt cette pénitence, qui est devenue le modèle de tous les pénitents. C’est par ces paroles saintes, que les apôtres sont devenus ce qu’ils ont été, et qu’ils ont attiré à eux toute la terre.
Mais que sert, dites-vous, d’entendre la parole de Dieu, lorsqu’on ne la pratique pas? On ne laisse pas d’en retirer même alors une utilité très-considérable. Car on s’accusera soi-même, on soupirera, on gémira, et on se mettra enfin en état de faire ce qu’on nous apprend. Mais lorsqu’on ne comprend pas même le mal qu’on fait, comment peut-on s’en retirer ou s’en repentir?
Ne négligeons donc point d’entendre l’Ecriture sainte. C’est le démon qui nous inspire ce dégoût, parce qu’il ne peut souffrir que nous approchions de ce trésor, de peur qu’il ne nous en demeure des perles et des diamants qui nous enrichissent. C’est pourquoi il nous persuade qu’il nous est inutile d’entendre la parole de Dieu, afin qu’il n’ait pas le regret de nous la voir mettre en pratique après que nous l’aurons entendue. Reconnaissons donc cet artifice si dangereux, et fortifions-nous de toutes parts contre ces attaques; afin que couverts de celte armure spirituelle, nous soyons invulnérables à notre ennemi, et que l’ayant vaincu et portant les marques de notre victoire, nous jouissions à jamais des biens du ciel, par la grâce et par la miséricorde de Notre-Seigneur Jésus-Christ, à qui appartiennent la gloire et la puissance, dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.