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Outre ces raisons, il y en a encore une autre. Car ce n’est pas sans sujet, qu’après avoir dit : «Juda engendra Pharès, » l’Evangéliste ajoute aussitôt, « et Zara. » Il paraissait assez inutile, après avoir nommé Pharès d’où Jésus-Christ descendait, de parler encore de Zara. Pourquoi donc le fait-il? En voici la raison. Lorsque Thamar accouchait de ces deux enfants, Zara fit passer le premier sa main dehors, que la sage-femme lia d’un cordon rouge, afin de connaître lequel des deux était l’aîné. Mais Zara retirant aussitôt son bras et s’étant renfermé dans le ventre de sa mère, Pharès en sortit le premier et Zara ensuite. La sage-femme dit à Pharès en voyant ce qui était arrivé : « Pourquoi la haie a-t-elle été coupée à cause de vous? » (Gen. XXXVIII, 29.) Considérez-vous les figures et les énigmes de nos mystères? Ce n’est point sans un motif grave que Dieu a fait marquer ces particularités dans l’Ecriture, Sans cela il aurait été indigne de la majesté de cette histoire, de rapporter les paroles d’une sage-femme et de particulariser ces circonstances, que l’un passa sa main le premier, quoiqu’il ne soit sorti qu’après son frère.
Que veut donc dire cette énigme? Car tout y est mystérieux, jusqu’au nom-même de cet enfant. Car le mot de « Pharès » veut dire, « séparation et division. » Voyons donc ce qu’un événement si extraordinaire nous marquait (22). Ce n’était point un effet naturel, que cet enfant qui avait passé sa main le premier, la retirât ensuite après qu’on lui eut lié le bras. Cela était contre tout l’ordre de la raison et de la nature. Il pouvait se faire assez naturellement que le premier avait passé sa main, l’autre le prévînt pour sortir; mais qu’il retirât sa main pour laisser passer l’autre, ce n’était plus la loi de la nature, mais celle de Dieu et de sa grâce, qui était présente à ces enfants et qui traçait en eux une image des choses futures.
Ceux qui ont examiné avec le plus de soin cette histoire, ont dit que ces deux enfants figuraient deux peuples, les Juifs et les Gentils. Et afin que nous comprenions que le dernier de ces deux peuples a brillé même avant le premier, l’un de ces deux petits enfants fait sortir sa main sans faire voir tout son corps, et après que son frère est sorti il paraît et se montre tout entier. C’est ce qui est arrivé dans l’un et l’autre des peuples. Car l’Eglise après avoir commencé à briller vers le temps d’Abraham, s’arrêta comme au milieu de sa course pour laisser passer tout le peuple juif et toutes ses cérémonies; et ce nouveau peuple parut ensuite avec toutes ses lois et toutes ses maximes saintes. C’est pour cela que cette sage-femme dit : « Pourquoi la haie a-t-elle été rompue à cause de vous? » la loi est survenue et a comme divisé et entrecoupé ce peuple libre qui l’avait devancée. Car l’Ecriture appelle assez ordinairement la loi du nom de haie: « Vous avez détruit la haie,» dit David, « et tous ceux qui passent par la voie ruinent cette vigne. » (Ps. LXXIX, 13) Et ailleurs « Il l’a environnée d’une haie. » (Matth. XXI, 33.) Et saint Paul dit : « Que Jésus-Christ a rompu la haie et la muraille de séparation .» (Eph. II, 14.)