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Works John Chrysostom (344-407) In Matthaeum homiliae I-XC Commentaire sur l'Evangile selon Saint Matthieu
HOMÉLIE III.

5.

C’est pourquoi, quand vous n’auriez commencé qu’à travailler à la dernière heure, il ne laissera pas de vous donner la récompense tout entière, « Quand il n’y aurait rien en vous qui contribuât à votre salut, néanmoins c’est pour moi-même que je vous fais grâce, »dit le Seigneur, « afin que mon nom ne soit point blasphémé. » (Ezéch. .XXXVI, 22.) Vous ne laisseriez échapper qu’un soupir, qu’une larme, il la prend aussitôt, et il s’en sert pour vous guérir.

Ainsi évitons surtout de nous élever dans des sentiments d’orgueil. Protestons que nous sommes des serviteurs inutiles, afin que Dieu nous rende dignes de le servir. Si vous vous croyez un bon serviteur, vous deviendrez inutile quand vous seriez bon; si vous vous croyez mauvais, vous deviendrez bon quand vous seriez inutile. C’est ce qui fait voir la nécessité d’oublier ses bonnes oeuvres.

Mais comment cela se peut-il faire? dites-vous. Comment pouvons-nous ignorer ce que nous savons? Quoi! vous offensez Dieu tout le jour, et après cela vous vous divertissez, vous riez, tant vous savez bien oublier les nombreux péchés que vous commettez, et vous ne pouvez oublier le peu de bien que vous faites? La crainte néanmoins des jugements de Dieu nous devrait bien plus toucher que la complaisance d’une bonne oeuvre. Et néanmoins il arrive tout le contraire. Nous offensons Dieu tous les jours et nous n’y faisons pas la moindre réflexion, et si nous donnons à un pauvre la moindre choses nous sommes prêts à le publier partout. C’est certainement de la folie. C’est dissiper les richesses spirituelles au lieu de les amasser.

L’oubli de nos bonnes oeuvres en est le trésor et la garde la plus assurée. Lorsqu’on porte publiquement de l’or ou des vêtements précieux, on invite les voleurs à chercher les moyens de les voler; mais lorsqu’on les tient cachés dans sa maison, on les y conserve en sûreté. Il en est de même des richesses des vertus. Si nous les retenons toujours dans notre mémoire, d’abord nous irritons Dieu, puis nous armons notre ennemi contre nous, et nous l’invitons à les dérober; mais si elles ne sont connues que de Celui qui doit les connaître, nous les posséderons dans une pleine assurance.

N’exposez donc pas les richesses de vos vertus, de peur qu’on ne vous les ravisse, et qu’il ne vous arrive ce qui arriva au pharisien, qui portait sur ses lèvres le trésor de ses bonnes oeuvres et donna ainsi au démon le moyen de le dérober. Il ne parlait de ses vertus qu’avec actions de grâces et il les rapportait toutes à Dieu, et néanmoins cela ne le sauva point. Car ce n’est pas rendre grâce à Dieu que de rechercher sa propre gloire, que d’insulter aux autres, et de s’élever au-dessus d’eux. Si vous rendez grâces à Dieu, ne pensez qu’à plaire à lui seul; ne cherchez point à être connu des hommes; ne jugez point votre prochain; autrement, votre action de grâces n’est point véritable.

Voulez-vous voir un modèle admirable de la reconnaissance des bienfaits de Dieu? Ecoutez ces trois jeunes hommes au milieu de la fournaise : « Nous avons péché, » disent-ils, « nous avons commis l’iniquité; vous êtes juste, Seigneur, dans tout ce que vous nous avez fait, parce que vous avez fait tomber ces maux sur nous par un effet de votre justice (24) . » (Dan. III, 28.) Oui, c’est rendre grâces à Dieu que de lui confesser ses péchés, que de reconnaître qu’on est digne de tous les supplices, et qu’on ne souffre .jamais autant qu’on devrait. C’est en cela que consiste l’action de grâces.

Prenons donc garde, mes frères, de ne point parler avantageusement de nous, puisque cette vanité nous rend odieux aux hommes, et abominables devant Dieu. Que nos paroles soient d’autant plus humbles que nos actions seront plus grandes; et cette modestie nous attirera l’estime des hommes et la gloire de Dieu même; ou plutôt non-seulement la gloire de Dieu, mais ses récompenses infinies. N’exigez point votre récompense afin que vous méritiez de la recevoir. Reconnaissez que c’est la grâce de Dieu qui vous sauve, et Dieu agira comme s’il était votre débiteur, en récompensant non-seulement vos bonnes oeuvres, mais même cette humble reconnaissance.

Lorsque nous faisons des bonnes oeuvres, Dieu ne nous doit récompense que pour ce que nous faisons; mais lorsque nous croyons n’avoir rien fait, nous nous attirons une récompense encore plus grande que par toutes nos vertus. Car l’humilité seule n’est pas moins considérable que les plus grandes oeuvres, puisqu’elles ne sont grandes qu’avec elle, et que sans elle, elles ne sont rien. Nous-mêmes, quand nous avons des serviteurs, nous ne les estimons jamais davantage que lorsque nous ayant servi avec une pleine volonté, ils croient néanmoins n’avoir rien fait. Si vous voulez donc que le bien que vous faites soit véritablement grand, croyez qu’il n’est rien, et il sera grand.

C’est dans ce sentiment que le centenier disait autrefois: « Je ne suis pas digne, Seigneur, que vous entriez dans ma maison. » (Matt. VIII, 8.) C’est par cette humilité qu’il en devint digne, et qu’il mérita d’être préféré par Jésus-Christ à tous les Juifs. Ainsi saint Paul dit: « Je ne suis pas digne d’être appelé apôtre, (I Cor. XV, 9), » et c’est par là qu’il a mérité d’être le premier de tous. Ainsi saint Jean dit: « Je ne suis pas digne de dénouer le cordon de ses souliers » (Luc, III, 16), et il mérite par là de devenir l’ami de l’époux, et cette main qu’il ne croyait pas digne de toucher aux sandales du Christ, le Christ voulut qu’il la posât sur sa tête divine elle-même. Ainsi saint Pierre dit: « Retirez-vous de moi, Seigneur, car je suis un homme pécheur (Luc, V,8), » et il devient par là le fondement de l’Eglise.

Car rien ne plaît tant à Dieu que de voir qu’on se met au rang des plus grands pécheurs. C’est là le principe de toute sagesse. Celui qui a le coeur humilié et brisé, ne sera point touché ni de vaine gloire ni d’envie, ni de colère contre son prochain; il ne sera point sujet à quelque autre passion que ce puisse être. Comme lorsqu’un homme a le bras rompu, quelque effort qu’il puisse faire, il ne peut jamais le lever en haut, ainsi lorsque notre coeur sera vraiment contrit et brisé, quelque violence que les passions lui fassent pour le piquer de vanité, il ne pourra jamais s’élever. Que si celui qui pleure une perte temporelle, est alors comme insensible à toutes les passions de l’âme; combien celui qui pleure ses péchés, jouira-t-il plutôt de la paix et de la tranquillité de la vertu ?

Mais qui peut, dites-vous, briser son coeur jusqu’à ce point? Ecoutez David en qui cette vertu a brillé de son éclat le plus vif. Voyez jusqu’où allait ce brisement de son coeur! Car après avoir fait autrefois tant d’actions excellentes; lorsqu’il fut chassé de sa maison et de sa ville, et qu’il se trouva même en danger de sa vie, voyant un homme vil et méprisable qui l’insultait, et qui le chargeait d’injures, non seulement il ne lui dit aucune parole fâcheuse, mais il arrêta même un de ses capitaines qui allait le tuer, en lui disant : « Laissez-le dire; car le Seigneur le lui a commandé. » (II Rois, XIX, 6) Les prêtres lui offraient de l’accompagner partout dans sa fuite avec l’arche, mais il ne le souffrit pas, et il leur répondit: « Reportez l’arche de Dieu dans la ville, et remettez-la dans sa place; et si je trouve grâce auprès du Seigneur, et qu’il me délivre des maux qui m’accablent, je reverrai son tabernacle; mais s’il me dit: Je ne veux point de vous, me voici tout prêt, qu’il me traite comme il lui plaira. » (II Rois, XV, 25.)

Ne voyons-nous pas aussi le comble de la vertu dans cette modération, dont il usa envers Saül, non une ou deux fois, mais plusieurs? Car il s’était déjà élevé au-dessus de toute la loi ancienne, et il approchait de la perfection de la vie apostolique. C’est pourquoi il agréait tout ce qui lui venait de la part de Dieu, sans demander le pourquoi de rien, sans avoir d’autre souci que d’obéir à la divine volonté et de (25) la suivre en tout. Lorsqu’après avoir fait tant d’actions illustres, il vit son fils Absalon, ce tyran cruel, ce parricide, ce meurtrier de son frère, cet insolent et ce furieux, qui voulait se faire roi au lieu de lui, il ne fut point ébranlé par une si rude épreuve: Si la volonté de Dieu, dit-il, est que je sois chassé, que je sois errant et fugitif, et que mon fils soit en honneur, je le veux de tout mon coeur, et je rends grâces à mon Dieu pour cette foule de maux dont il m’accable.

Il était bien différent de ces hommes téméraires jusqu’à l’effronterie contre la Majesté divine, lesquels, sans posséder la moindre partie des mérites de ce saint roi, s’irritent de la plus petite contrariété qui leur arrive, surtout s’ils voient les autres dans la prospérité, et perdent leurs âmes en éclatant en mille blasphèmes. David au contraire, au milieu des maux, fait voir une douceur, une modération, et une patience admirables; ce qui fait dire à Dieu: « J’ai trouvé David, fils de Jessé, qui est un homme selon mon cœur. » (Act. XXII.) Imitons nous-mêmes cette disposition de David. Quoi que nous souffrions, souffrons-le avec courage, pour recevoir, avant la récompense qui nous est promise, le fruit de notre humilité, selon la parole de Jésus-Christ: « Apprenez de moi que je suis doux et humble de coeur, et vous trouverez le repos de vos âmes. » (Matth. II, 26.) Pour jouir de ce repos et en ce monde et dans l’autre, ayons soin de graver profondément dans nos coeurs cette humilité sainte, qui est la mère de toutes les vertus. Ainsi nous jouirons d’un calme continuel parmi les tempêtes de cette vie, et nous arriverons enfin à ce port de l’éternité, par la grâce et la miséricorde de Notre-Seigneur Jésus-Christ, à qui appartiennent la gloire et l’empire dans tous les siècles des siècles. Ainsi soit-il. (26)

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