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Œuvres Jean Chrysostome (344-407) In Matthaeum homiliae I-XC Commentaire sur l'Evangile selon Saint Matthieu
HOMÉLIE XXXII

7.

Les maisons particulières étaient autrefois des églises, et les églises aujourd’hui ne sont plus que comme des maisons particulières. Les chrétiens alors ne parlaient que des choses du ciel dans leurs maisons, et aujourd’hui ils ne parlent plus dans les églises que des choses de la terre. Vous introduisez le siècle dans nos temples, et vous faites entrer le tumulte du palais jusque dans le sanctuaire. Quand Dieu parle, et que Son Evangile frappe votre oreille, au lieu de l’écouter dans le silence, vous ne vous entretenez que de vos affaires, et plût à Dieu que vous ne parlassiez alors que de vos affaires ! mais vous parlez alors, et vous entendez parler de choses encore plus vaines et plus inutiles.

Je vous avoue, mes frères, que c’est là le sujet de ma douleur. C’est pour cela que je pleure, et que je ne cesserai jamais de pleurer. Je ne suis plus libre de quitter cette église pour passer dans une autre. Il faut nécessairement que je demeure et que je souffre ici jusqu’à la fin de ma vie. « Recevez nous donc, » comme saint Paul disait à un peuple, qu’il conjurait par ces paroles de lui (267) donner entrée non à leur table, mais dans leur coeur. C’est ce que nous vous demandons, mes frères. Nous ne désirons de vous que cette charité qui a de l’ardeur, et cette amitié sincère et véritable. Que si vous refusez de nous aimer, au moins aimez-vous vous-mêmes, en renonçant à cette tiédeur malheureuse dont vous êtes possédés. Il nous suffira pour nous consoler de voir que vous devenez meilleurs, et que vous avancez dans la voie de Dieu. C’est en cela même que mon affection paraîtra plus grande, si, lorsque j’en ai beaucoup pour vous, vous en avez peu pour moi.

Car il y a bien des liens qui nous unissent ensemble, et qui nous obligent de nous entr’aimer. Un même père nous a engendrés; une même mère nous a enfantés avec les mêmes douleurs: nous mangeons à la même table, et non-seulement nous recevons un même breuvage, mais nous buvons même à la même coupe. C’est un artifice de la sagesse et de la bonté de notre Père qui est dans le ciel, d’avoir voulu que nous bussions ainsi du même calice, ce qui est le fait de la plus parfaite charité.

Vous me direz peut-être que je suis bien éloigné du mérite et de la dignité des apôtres:

je le reconnais de tout mon coeur, et je ne le désavouerai jamais. Bien loin de m’égaler à eux , je confesse que je ne suis pas digne d’être comparé, je ne dis pas avec eux, mais avec leur ombre. Si vous faites néanmoins ce que vous devez, non-seulement mes défauts ne vous nuiront point, mais ils vous pourront même beaucoup servir. Car vous serez d’autant plus récompensés de Dieu, que vous témoignerez plus d’affection et d’obéissance envers des ministres qui par eux-mêmes en auraient été indignes.

Nous ne vous parlons point ici de nous-mêmes, et nous ne vous disons point nos propres pensées. Nous n’avons point de maître sur la terre, selon la parole de Jésus-Christ, nous n’en avons qu’un qui est dans le ciel. Nous vous donnons ce que nous avons reçu, et en vous le donnant nous ne vous redemandons autre chose que votre amour. Que si nous en sommes indignes, aimez-nous néanmoins, et peut-être que votre charité nous en rendra dignes. Ce n’est pas trop pour vous que d’aimer ceux qui ne méritent pas d’être aimés, puisque Jésus-Christ vous commande d’aimer même vos ennemis. Qui pourrait donc après un commandement si doux avoir l’âme si barbare et si inhumaine que de haïr celui qui l’aime, quand d’ailleurs il serait engagé dans mille vices?

Une même table, une même viande nous unit tous, qu’un même amour divin et spirituel unisse nos coeurs. Si les voleurs les plus cruels épargnent ceux avec qui ils ont bu et mangé, et oublient à leur égard cette inhumanité qui leur est si naturelle, quelle excuse nous restera-t-il, si après avoir mangé ensemble la même chair du Sauveur, nous avons moins de tendresse et moins d’amitié que des voleurs? Les païens autrefois se sont entr’aimés, non pour n’avoir eu qu’une même maison et une même table, mais seulement pour avoir été citoyens d’une même ville; que pourrons-nous donc attendre de Dieu? Nous nous trouvons divisés les uns des autres, nous qu’il a unis par tant de noeuds et par des chaînes si sacrées; nous qui demeurons dans la même ville et dans la même maison; nous qui marchons dans la même voie ; qui entrons par la même porte; qui sommeS les rejetons d’une même tige; qui sommes les membres d’une même tête et d’un même chef, et enfin nous qui n’avons tous qu’une même vie, un même créateur, un même père, un même pasteur, un même roi, un même maître et un même juge.

Vous voudriez peut-être que nous fissions des miracles tomme les apôtres en ont fait. Vous voudriez voir les lépreux guéris, les démons chassés et les morts ressuscités; mais c’est- là la plus grande preuve de votre foi et de votre amour pour Dieu, de croire fermement en lui sans tous ses miracles. C’est pour cela même que Dieu a fait cesser les miracles, quoiqu’il y en ait encore d’autres raisons. Car si lors même que Dieu a retiré ces dons qui ont plus d’éclat, ceux qui excellent en d’autres, comme dans celui de la science et de la vertu, s’énorgueillissent aisément, et par le désir d’une vaine estime se séparent d’avec leurs frères; s’ils avaient le don des miracles, combien tomberaient-ils encore plus aisément dans le même orgueil, et dans les schismes qui en peuvent naître? Ce que je vous dis n’est point seulement une vaine conjecture, mais nous en voyons une preuve dans ce que saint Paul dit des Corinthiens, parmi lesquels il se forma beaucoup de divisions, parce qu’ils aimaient fort les dons extérieurs, et entr’autres celui des miracles. (268)

Ne cherchez point, mes frères, ces effets miraculeux, mais la guérison de vos âmes. Ne désirez point de voir ressusciter un mort, puisque vous savez que tous les morts ressusciteront un jour. Ne demandez point comme une grâce de voir un aveugle recouvrer la vue; mais considérez plutôt tant de personnes à qui Dieu a ouvert les yeux du coeur et qu’il a si divinement éclairées dans l’âme. Apprenez à leur exemple à rendre votre oeil chaste et modeste, et à régler tous vos regards. Si notre vie était telle qu’elle devrait être, les païens seraient plus touchés en la voyant, que, si nous taisions les plus grands miracles; car les miracles ne persuadent pas toujours. On croit quelquefois qu’ils ne sont que feints et en apparence, ou qu’il s’y mêle quelque chose de mauvais, quoiqu’il soit vrai que ce soupçon ne puisse tomber sur ceux qui se font parmi nous. Mais une vie pure ne saurait être suspecte. Elle est hors d’atteinte à la calomnie, et elle ferme la bouche à tous les hommes. Appliquons-nous donc plus qu’à toute autre chose à bien régler notre vie. La bonne vie est un grand trésor et un grand miracle. C’est elle qui donne la véritable liberté. Elle rend les esclaves parfaitement libres, non, en les tirant de la servitude, mais en les rendant sans comparaison plus libres que les personnes libres, quoiqu’ils demeurent extérieurement toujours esclaves, ce qui est beaucoup plus grand que de leur donner la liberté. La bonne vie enrichit le pauvre , non en le tirant de sa pauvreté, mais en faisant que, demeurant pauvre il est plus content, il a moins de besoin, et il est plus riche, en effet, que tous les riches.

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