12.
Que les riches écoutent ceci, eux qui allument la fournaise de la pauvreté, pour y consumer les pauvres. Les pauvres n’y trouveront rien qui leur nuise, parce que Dieu leur fera ressentir la douceur d’une rosée céleste, mais les riches seront eux-mêmes la proie des flammes qu’ils ont allumées de leurs propres mains. L’ange descendit alors pour soulager ces jeunes hommes. Allons de même soulager ceux qui sont dans la fournaise de la pauvreté. Que nos aumônes soient comme une rosée qui les rafraîchisse. Eloi gnons d’eux les flammes qui les environnent, afin d’avoir quelque part à la couronne que Dieu leur prépare. C’est ainsi que nous mériterons d’éloigner de nous le feu de l’enfer par cette parole que Jésus-Christ nous dira : « J’ai eu faim, et vous m’avez nourri (Matth. XXV, 35), » laquelle dans le dernier jour nous tiendra lieu d’une divine rosée, pour nous rafraîchir au milieu des flammes. (37)
Allons avec nos aumônes dans le fond de cette fournaise. Voyons-y ces pauvres évangéliques qui y marchent au milieu des flammes. Voyons-y un prodige nouveau, un homme qui, au milieu du feu de l’indigence, chante des cantiques à Dieu, qui lui rend des actions de grâces, et qui, pressé de la misère la plus extrême , n’a la bouche ouverte que pour le louer. Car ceux qui souffrent leur pauvreté avec action de grâces, sont égaux en mérites à ces trois jeunes hommes, puisque la pauvreté est plus terrible, et qu’elle brûle encore plus que le feu même. Mais le feu ne brûla point ces jeunes hommes , il consuma seulement leurs liens aussitôt qu’ils commencèrent à louer Dieu; de même, si lorsque vous tombez dans la pauvreté, vous en rendez des actions de grâces, vos liens seront brûlés, et le feu qui vous environnait s’éteindra. Que s’il ne s’éteint pas, il se changera par un miracle encore plus grand en une rosée, comme il arriva alors, puisque, sans que ce feu s’éteignît, ces jeunes hommes ne laissèrent pas d’y jouir d’une fraîcheur très agréable, qui les empêcha d’y brûler. C’est ce qui se voit dans les pauvres évangéliques, qui trouvent plus de repos et plus de joie dans leur pauvreté, que les riches n’en trouvent dans leurs richesses.
Ne nous tenons point auprès de cette fournaise sans y entrer, en considérant sans compassion les nécessités des pauvres, afin de n’être point enveloppés dans le malheur que souffrirent les ministres du prince. Si vous descendez au fond de ces feux, ils ne vous toucheront pas plus que ces jeunes hommes; mais si les regardant d’en-haut vous méprisez ceux qui y souffrent, vous vous en trouverez enveloppés. Descendez donc dans cette fournaise pour n’en être pas brûlés. Ne vous tenez pas au dehors, de peur que ces flammes ne vous attaquent. Si vous êtes avec les pauvres, elles ne vous blesseront pas, mais si vous en êtes séparés, elles vous dévoreront.
Ne vous éloignez donc point de ceux qui souffrent dans ces flammes, et lorsque le démon commande qu’on jette dans la fournaise ceux qui refusent d’adorer l’or, ne soyez pas du nombre de ceux qui y jettent les autres, mais de ceux qui y sont jetés afin que vous soyez aussi du nombre de ceux qui seront sauvés, et non de ceux qui seront brûlés: car il n’y a pas de rosée plus abondante ni plus douce que le détachement des richesses et la compagnie des pauvres. Les plus riches de tous les hommes sont ceux qui foulent aux pieds l’amour des richesses ; comme ces jeunes hommes devinrent par le mépris qu’ils firent du roi, plus glorieux que ce roi même. Si vous méprisez tout ce qu’il y a dans ce monde, vous serez plus grands que le monde, comme ont été autrefois ces saints, dont le monde n’était pas digne. Méprisez tous les biens d’ici-bas, pour vous rendre dignes de ceux du ciel. Car c’est ainsi que vous serez grands en cette vie et heureux en l’autre, par la grâce et par la miséricorde de Notre-Seigneur Jésus-Christ , à qui appartient la gloire et la puissance dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il. (38)