2.
Et comme il était près d’aller bientôt souffrir et mourir sur une croix, il leur cite une prophétie qui faisait voir clairement qu’il était Dieu.
« Et comment donc, leur dit-il, David l’appelle-t-il en esprit son Seigneur, par ces paroles (42): Le Seigneur a dit à mon Seigneur: « Asseyez-vous à ma droite, jusqu’à ce que j’aie réduit vos ennemis à vous servir de marche-pied (43) » ? Il ne leur marque cette prophétie que comme en passant. Il ne témoigne point que ce fût son principal but, mais qu’il n’en parlait que par occasion. Comme il les avait interrogés, et qu’ils ne lui répondaient pas selon la vérité, puisqu’ils assuraient qu’il n’était qu’un pur homme, il leur rapporte cette prophétie de David pour confondre leur erreur, en leur opposant ce prophète qui reconnaissait sa divinité.
C’est parce qu’ils ne le considéraient que comme un homme, qu’ils lui avaient répondu que le Christ devait simplement être « le fils de David » : Et Jésus prouve au contraire par David même qu’il était véritablement le Dieu et le Seigneur de tous; qu’il était véritablement le Fils unique de son Père, et qu’il lui était égal en toutes choses. Mais il ne s’en tient pas là, et, pour les effrayer, il ajoute « Jusqu’à ce que j’aie réduit vos ennemis à vous servir de marche-pied », se servant de toutes sortes de moyens pour les attirer à la foi. Et afin qu’ils ne pussent dire que le Prophète n’avait parlé de la sorte que par complaisance et par flatterie, considérez ce que Jésus-Christ ajoute : « Comment donc David, « parlant par l’Esprit de Dieu », l’appelle-t-il son Seigneur? Mais admirez avec quelle circonspection il rapporte ce témoignage qui lui était si avantageux. Il leur demande auparavant : « Que vous semble du Christ? de qui est-il fils » ? afin de leur donner lieu de répondre qu’il était : « fils de David ». Il leur demande aussitôt en gardant une suite naturelle : « Comment donc David parlant par l’Esprit de Dieu l’appelle-t-il son Seigneur »? il en use ainsi pour ne point les troubler, et ne leur donner point sujet de s’offenser en leur parlant comme de lui-même? C’est pour cette raison qu’il ne dit pas : « Que vous semble-t-il » de moi? mais que vous semble-t-il « du Christ » ? C’est pourquoi les apôtres, après la Pentecôte, disent encore avec tant de modestie : « Qu’il nous soit permis de dire librement du patriarche David qu’il est mort et qu’il a été enseveli ». Et Jésus-Christ, de même par cette interrogation et par la réponse qu’il y fait ensuite, établit sa divinité : «Comment donc David l’appelle-t-il en esprit son Seigneur par ces paroles : Le Seigneur a dit à mon Seigneur : Asseyez-vous à ma droite , jusqu’à ce que j’aie réduit vos ennemis à vous servir de marche-pied »
« Si donc David l’appelle son Seigneur, comment est-il son fils (44)»? Ce qu’il ne dit pas pour nier que le Christ fût le fils de David, mais pour représenter aux Juifs leur erreur, lorsqu’ils croyaient qu’il n’était que le fils de David. Car lorsqu’il leur dit : « Comment est-il son fils »? il faut sous-entendre de la manière que vous vous le figurez. Les pharisiens disaient que le Christ n’était que le fils de David, et non « le Seigneur de David ». Après leur avoir rapporté ce témoignage du Prophète, Jésus leur dit avec douceur : « Si donc David l’appelle son Seigneur, comment est-il son fils»? Ils ne répondent rien à ces paroles; parce qu’ils ne voulaient pas s’instruire, mais seulement tenter le Sauveur. C’est pourquoi Jésus-Christ dit lui-même qu’il était « le Seigneur de David » , ou plutôt il ne le dit que par le Prophète, parce qu’ils n’avaient aucune foi en lui, et qu’ils tiraient de toutes ses paroles des sujets de le décrier.
Et nous devons beaucoup, mes frères, considérer cette disposition des Juifs, afin de ne nous point scandaliser, lorsque nous voyons que Jésus-Christ leur parle de lui-même d’une manière si humble , et qui lui est si disproportionnée. Entre plusieurs raisons qu’il avait de se conduire de la sorte, celle-ci sans doute était une des principales, qu’il devait agir avec une grande condescendance à leur égard, et qu’il était obligé d’épargner beaucoup leur faiblesse. Et l’on voit même ici que ce n’est que sous forme d’interrogation qu’il établit sa divinité, et qu’il ne la leur découvre qu’obscurément. Car il y avait encore bien de la différence entre être « le Seigneur de David »ou être le Seigneur de tous les Juifs. Et l’occasion que Jésus-Christ prend de leur dire ceci, est admirable. Car, après avoir dit qu’il n’y a qu’un Dieu et qu’un Seigneur, il dit aussitôt (556) que c’est lui qui est ce Seigneur, et il le prouve non-seulement par ses actions, mais encore par les prophètes; montrant que son Père prendrait sa cause, et qu’il le vengerait contre eux-mêmes. « Jusqu’à ce que je réduise vos ennemis», dit-il, «à vous servir de marche-pied ». Ce qui fait voir clairement quel zèle le Père avait pour la gloire de son Fils, et quelle union ils avaient ensemble.
C’est ainsi qu’il termina enfin tontes ces questions que les Juifs lui faisaient pour le surprendre ; et l’on peut dire que celte fin en fut glorieuse et surprenante , et qu’elle était capable de fermer éternellement la bouche à ses ennemis. En effet, depuis ce temps ils se tinrent dans le silence; silence qui, à la vérité, n’était pas volontaire, mais forcé; parce qu’ils n’avaient plus rien à lui dire. Ses réponses précédentes, comme autant de flèches mortelles, les avaient tellement abattus, qu’ils ne lui pouvaient plus résister. « A quoi personne ne lui put rien répondre: et depuis ce jour nul n’osa plus lui faire de questions (45) ». Le peuple retirait un grand avantage de ce silence des pharisiens, puisque ceux-ci n’osaient plus interrompre les prédications du Sauveur. Aussi l’on voit que Jésus-Christ ne parle plus qu’au peuple dans la suite. Tous les pharisiens et les docteurs de la loi le fuient , et il semble qu’il ait mis tous ces ennemis en fuite comme une troupe de loups qui ne cherchaient qu’à le dévorer. Ces envieux ne retirèrent aucun fruit de leurs demandes envenimées; et l’amour de la vaine gloire dont ils étaient possédés, les empêcha de profiter de tant d’instructions si divines.