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Œuvres Jean Chrysostome (344-407) In Matthaeum homiliae I-XC Commentaire sur l'Evangile selon Saint Matthieu
HOMÉLIE LXXVII.

5.

Cependant, bien loin de donner de vos biens aux autres selon le dessein de Dieu, vous les frappez même et vous les traitez avec rigueur. Si c’est un crime que de ne les pas secourir, quel crime sera-ce que de les outrager? C’est pourquoi il me semble que Jésus-Christ s’élève ici contre ceux qui traitent injurieusement leurs frères, et qui leur ravissent leur bien; il leur reproche leur cruauté lorsqu’ils s’emportent contre ceux qu’ils devraient assister, et pour qui ils devraient n’avoir que de la tendresse.

Vous avez vu aussi comment Jésus-Christ censure ceux qui se plongent dans les débauches et dans l’excès des festins. « Il mange », dit-il, « et il boit avec des ivrognes »; il parle ainsi de l’intempérance qui doit être un jour effroyablement punie. Serviteur ingrat, vous dit-il, vous n’avez pas reçu ces biens pour les consumer dans vos excès, mais pour les distribuer en faisant l’aumône. Le bien que vous avez n’est pas à vous. C’est le bien des pauvres qui vous a été confié, quoique vous l’ayez reçu de la succession de vos pères, ou que vous l’ayez acquis par de très-justes travaux. Dieu pouvait vous ôter cet argent avec justice. Cependant il ne le fait pas pour vous rendre comme le maître de la charité que vous voulez exercer envers les pauvres.

Considérez, mes frères, combien Jésus-Christ témoigne dans toutes ses paraboles que seront punis ceux qui n’auront pas usé légitimement de leurs biens. Car on voit que les vierges folles, dont il parle ensuite, ne ravirent point le bien des autres, mais seulement qu’elles ne donnèrent point du leur à ceux qui en avaient besoin. Celui dont il parle après, qui cacha le talent de son maître, ne déroba le bien de personne. Il fut condamné néanmoins. Tout son mal fut qu’il n’avait pas fait profiter celui de son maître. Ainsi, ceux qui verront le pauvre sans le soulager seront punis de Dieu, non comme des voleurs, mais comme des personnes dures et impitoyables qui auront laissé périr leurs frères sans leur faire part du bien qu’elles avaient.

Ecoutez ceci, vous tous qui aimez les festins, et qui consumez dans ces malheureuses dépenses l’argent qui est plus aux pauvres qu’il n’est à vous. Ne croyez pas que ces biens vous appartiennent en propre, quoique Dieu soit si bon qu’il vous exhorte à les donner, comme s’ils étaient effectivement à. vous. Il vous les a prêtés pour vous donner un moyen de mieux pratiquer la vertu et de devenir plus justes. Ne regardez donc plus comme étant à vous ces biens que vous possédez. Donnez à Dieu ce qui est à Dieu. Si vous aviez prêté une grande somme à un homme afin qu’il s’en servît pour gagner quelque chose, dirait-on que cet argent serait à lui? C’est ainsi que Dieu vous a donné votre bien, afin que vous vous en serviez pour gagner le ciel. N’employez donc pas, pour vous perdre, ce que vous avez reçu pour vous sauver; et ne ruinez pas les desseins de la bonté de Dieu sur vous par un excès de malice et d’ingratitude. Considérez combien il est avantageux à l’homme, après le baptême, de trouver dans l’aumône un autre moyen pour obtenir de Dieu le pardon de ses offenses. Si Dieu ne nous avait donné ce moyen pour effacer nos péchés, combien diraient Oh ! que nous serions heureux si nous pouvions, par nos richesses, nous délivrer des maux à venir ! Que nous donnerions de bon coeur tout notre bien pour nous mettre à couvert de la peine que nos offenses ont si justement (603) méritée! Mais parce que Dieu nous a accordé de lui-même ce que nous aurions si fort désiré de lui, si sa bonté ne nous avait prévenus, nous négligeons de nous prévaloir de cet avantage, et de nous servir d’un si grand remède. Vous me répondez que vous donnez l’aumône. Mais que donnez-vous? Avez-vous jamais autant donné que cette pauvre femme de l’Evangile qui donna deux oboles? Elle donna à Dieu tout ce qu’elle avait, et vous ne lui donnez rien de tout ce que vous ayez, mais vous le prodiguez en des dépenses criminelles. Tout votre bien s’en va en luxe et en festins. Vous traitez aujourd’hui, et on vous traite demain. Vous vous ruinez, et vous apprenez aux autres à se ruiner. Et ainsi vous êtes doublement coupables, et du crime que vous commettez , et de celui que vous leur faites commettre.

Remarquez ce que Jésus-Christ condamne en ce méchant serviteur « Il boit », dit-il, « et il mange avec les ivrognes». Dieu punit non-seulement « les ivrognes », mais ceux même qui leur tiennent compagnie. Et c’est certainement avec une grande justice, puisqu’en se corrompant eux-mêmes., ils corrompent aussi leurs frères. Rien n’irrite Dieu davantage que cette indifférence avec laquelle on voit périr son prochain sans s’en mettre en peine. Et Jésus-Christ voulant marquer ici quelle est sa colère contre ce serviteur qui avait blessé la charité de la sorte, dit : « qu’il sera séparé et mis au rang des hypocrites ». Il a déclaré aussi dans l’Evangile que l’aumône et la charité seraient la marque éternelle par laquelle on reconnaîtrait ses disciples, parce qu’il faut nécessairement que celui qui a de l’amour, soit sensible à tout ce qui regarde le bien de celui qu’il aime.

Suivons, mes frères, cette voie de la charité, puisque c’est elle principalement qui nous conduit dans le ciel, qui rend les Chrétiens de parfaits imitateurs de leur maître, et qui fait que les hommes deviennent semblables à Dieu autant qu’ils le peuvent être en cette vie. Aussi tout le monde sait que les vertus qui approchent de plus près de celle-ci, et qui lui sont le plus étroitement unies, sont celles qui nous sont le plus nécessaires. Nous approfondirons aujourd’hui cette matière, et nous écouterons ce que Dieu même nous en a dit.

Je suppose donc qu’il y a deux voies pour bien vivre: que dans l’une on ne travaille que pour soi, et que dans l’autre, au contraire, on s’intéresse pour son prochain. Voyons laquelle de ces deux voies nous relève davantage devant Dieu et nous conduit à une plus haute vertu. Ne voyons-nous pas que saint Paul blâme souvent celui qui ne pense qu’à soi, et qu’il loue au contraire celui qui travaille pour son prochain? « Que personne », dit cet apôtre, « ne cherche ses intérêts, mais que chacun cherche les intérêts de ses frères (I Cor. X, 24) », s’efforçant ainsi de bannir de soi cet amour-propre, et d’introduire à sa place une charité catholique et universelle. Il dit ailleurs : « Que chacun de nous tâche de plaire à son prochain dans ce qui est bon et qui le peut édifier». Et il ajoute à cette pratique une louange incomparable: « Car Jésus-Christ ne s’est pas plu à lui-même. » (Rom. XV, 2.)

Pouvons-nous douter après cela lequel des deux saint Paul approuve le plus? Mais pour le faire encore mieux voir, considérons les vertus qui tic sont avantageuses qu’à celui qui les pratique, et celles qui se répandent encore sur les autres. Nous reconnaîtrons que les jeûnes, par exemple, les austérités du corps, le célibat, la vie réglée, sobre et tempérante, sont des vertus qui certainement servent à celui qui les possède; mais que ces autres qui se communiquent au prochain, sont beaucoup plus relevées, comme l’aumône , la doctrine et la charité, dont saint Paul dit : « Quand je distribuerais tout mon bien pour la nourriture des pauvres, et que j’abandonnerais mon corps aux flammes, si je n’avais la charité, tout cela ne me servirait de rien ». (I Cor. XIII, 3.)

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