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Œuvres Jean Chrysostome (344-407) In Matthaeum homiliae I-XC Commentaire sur l'Evangile selon Saint Matthieu
HOMÉLIE LXXXV.

4.

L’Eglise ne pouvait-elle pas autrefois posséder des terres et des maisons? Et pourquoi les apôtres vendaient-ils celles qu’on leur offrait pour en donner l’argent aux pauvres, sinon parce que cette conduite était plus excellente et plus avantageuse au bien de l’Eglise? Mais nos pères ensuite ayant vu que vous étiez embrasés de l’amour des choses temporelles et séculières, ils sont entrés dans une juste crainte, que, lorsque vous ne travailleriez qu’à recueillir sans rien semer, toute la troupe des veuves, des orphelins et des vierges ne mourût de faim; et c’est dans cette appréhension qu’ils ont été contraints d’acquérir d~s biens et des revenus assurés. Ce n’est qu’avec peine et avec violence qu’ils se sont laissés aller à cette acquisition qui leur était peu honorable, et leur plus grand désir était de recevoir de tels fruits de votre piété et de votre dévotion, qu’ils n’eussent point d’autre soin que de s’appliquer à la prière. Mais maintenant vous les avez forcés d’imiter le soin et le procédé de ceux qui manient les affaires séculières: ce qui cause une confusion et un trouble universel.

Car lorsque nous sommes, comme vous, occupés des choses de la terre, quel est demi d’entre nous qui peut rendre Dieu favorable aux autres? Nous n’avons plus aujourd’hui la liberté d’ouvrir la bouche pour nous rendre médiateurs entre lui et les hommes, ni pour reprendre les excès du siècle, parce que l’Eglise n’est pas mieux gouvernée que le sont les choses du monde. Ne savez-vous pas que les apôtres ne crurent pas devoir eux-mêmes distribuer ces sommes d’argent qui avaient été recueillies sans peine? Et aujourd’hui les évêques qui leur succèdent sont devenus comme des intendants ou des économes, des receveurs, dés dispensateurs, des trafiqueurs, à cause du soin et de l’occupation que leur donnent les biens temporels. Au lieu de veiller sur leur troupeau, et sur les âmes que Dieu leur a confiées, ils s’appliquent avec ardeur au ménagement des revenus des terres et du profit de l’argent, comme feraient des publicains et des financiers. Ils pensent tout le jour à ces affaires, et pour elles seules ils sont actifs et vigilants.

Je ne déplore pas ce malheur en vain, mais par le désir que j’ai qu’il se fasse quelque changement en mieux; afin que nous, qui souffrons cette dure servitude, nous obtenions miséricorde, et que vous procuriez, vous, des fruits et des revenus à l’Eglise. Que si vous ne voulez pas faire cela, vous voyez les pauvres devant vos yeux, nous ne négligerons pas de nourrir tous ceux que nous pourrons, mais nous vous enverrons les autres, auxquels je vous prie de donner avec soin de quoi vivre, de peur qu’au jour terrible du jugement vous n’entendiez ces paroles qui seront dites contre les avares: « Vous m’avez vu avoir faim, et vous ne m’avez pas donné à manger ».

Il est certain que cette inhumanité nous rend dignes de risée aussi bien que vous. Car, de ce que les ecclésiastiques quittent le soin de la prédication, de la prière et le reste du service de l’Eglise, il s’en suit que les uns ont des différends à démêler avec des vendeurs de vin, les autres avec des vendeurs de blé , les autres avec d’autres marchands qui gâtent et allèrent les marchandises. De là viennent des disputes, des querelles, des injures, et ces (57) diffamations, et ces noms encore que l’on a donnés à chacun des prêtres, comme étant propres aux affaires séculières qu’ils gouvernent. Or, il faudrait qu’ils ne reçussent point d’autres noms que des choses pour lesquelles les apôtres ont établi des lois et des règles; savoir: de la nourriture des pauvres, de la protection des faibles, de la réception des voyageurs et des passants, de la défense de ceux qui sont opprimés, du secours des orphelins, de l’assistance des veuves, et de la garde soigneuse et charitable des vierges.

Ce serait ces offices qu’on devrait distribuer entre les prêtres, au lieu des métairies et des maisons dont ils ont soin. Ce sont là les ornements de l’Eglise; ce sont les pulls riches trésors qui nous peuvent rendre la vie plus douce, et vous apporter plus de douceur à vous-mêmes, avec plus d’utilité et plus de fruit. Car, par la grâce de Dieu, je crois qu’il s’assemble bien cent mille chrétiens dans cette Eglise, et si chacun d’eux donnait tous les jours un pain à un pauvre, tous les pauvres auraient abondamment de quoi vivre. Si même chacun d’eux donnait seulement une obole, nul ne manquerait de rien, et nous ne serions pas exposés au blâme et aux reproches qu’on nous fait d’être attachés aux biens temporels.

II est vrai qu’on pourrait dire maintenant aux prélats de l’Eglise, avec quelque sorte de justice, ce que Notre-Seigneur dit dans l’Evangile : « Allez, vendez tout ce que vous avez, et le donnez aux pauvres, et venez me suivre », à cause des grands biens et des grands domaines que leurs églises possèdent. Car il n’est pas aisé de suivre parfaitement Jésus-Christ, si nous ne sommes dégagés des occupations terrestres et des soins du siècle. N’est-ce pas une chose pitoyable que des prêtres de Dieu assistent aux vendanges et à la moisson, et soient présents à toutes les ventes, et à tous les achats des biens de la terre?

Les prêtres juifs qui n’avaient que les ombres et les figures du véritable culte de Dieu, quoique leur administration et leurs exercices fussent grossiers et corporels, étaient néanmoins exempts de tous ces soins; et nous qui sommes appelés au plus secret sanctuaire du ciel, et qui entrons dans le véritable Saint des saints, nous faisons une vie de marchands et de trafiqueurs. Et c’est de là que vient notre grande négligence dans l’étude des Ecritures divines, notre grande paresse dans la prière, et ce mépris où nous sommes tombés pour toutes les choses spirituelles. Car il est impossible que l’homme qui est partagé par ce double soin, s’applique suffisamment à l’un et à l’autre.

C’est pourquoi je vous conjure, mes frères, d’ouvrir de toutes parts les sources de votre charité, afin que les pauvres soient plus facilement nourris, que Dieu soit glorifié; et que la grandeur de vos oeuvres de miséricorde, et l’abondance de vos aumônes vous procurent les biens que je vous souhaite, par la grâce et par la miséricorde de Notre-Seigneur Jésus-Christ, à qui est la gloire et l’empire dans tous les siècles des siècles. Ainsi soit-il.

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