1.
Il me semble que tout ce passage est destiné à ceux qui sont dans les dangers ; et non-seulement ce passage, mais encore ceux qu'on a lus un peu plus haut. En effet cette phrase : « Les souffrances du temps présent n'ont point de proportion avec la gloire future qui sera révélée » ; et celle-ci : « Toutes les créatures gémissent » ; puis : « C'est en espérance que nous avons été sauvés » ; et encore : « Nous attendons par la patience »; et enfin : « Nous ne savons ce que nous devons demander, dans la prière a : tous ces textes, dis-je, semblent aller à la même adresse. Paul leur apprend en effet que ce n'est point ce qu'ils jugent utile qui l'est réellement et qu'ils doivent toujours choisir, mais bien ce que l'Esprit leur inspire. Car beaucoup de choses qui leur paraissent avantageuses, leur sont quelque fois très-nuisibles. Le repos , par exemple , l'éloignement du danger, la sécurité de la vie, leur semblaient des avantages. Et comment s'étonner qu'ils jugeassent ainsi , quand le bienheureux Paul lui-même partageait cette opinion ? Et cependant il apprit plus tard que la situation contraire est celle qui procure les vrais avantages, et dès qu'il le sut, il s'y attacha. Ainsi, lui qui avait trois fois prié le Seigneur de le délivrer des périls, lui ayant entendu dire : « Ma grâce te suffit ; car ma puissance se montre tout entière dans la faiblesse », triomphait de joie plus tard quand il était persécuté, injurié, accablé de maux intolérables. « Je me complais » , disait-il , « dans les persécutions, dans les outrages, dans les nécessités ». (II Cor. XII, 9, 10.) C'est pour cela qu'il disait: « Nous ne savons ce que nous devons demander dans la prière », et il les exhortait tous à s'en remettre là-dessus à l'Esprit. Car l'Esprit-Saint a grand soin de nous, et c'est le bon plaisir de Dieu.
A ces continuelles exhortations, il ajoute ce que nous venons de dire : un raisonnement propre à leur rendre le courage. « Nous savons », dit-il, « que tout coopère au bien pour ceux qui aiment Dieu». Or, ce mot : « Tout » renferme aussi les choses pénibles. Que ce soit l'affliction qui survienne, ou la pauvreté, ou la prison, ou la faim, ou la mort, ou toute autre chose, Dieu peut tourner tout cela en sens contraire, puisque son infinie puissance sait nous alléger et changer en moyen de salut tout ce qui nous semble pénible. Aussi l'apôtre ne dit-il ,point : l'adversité n'atteint pas ceux qui aiment Dieu, mais : « Coopère au bien » ; c'est-à-dire, Dieu fait tourner les périls à la gloire de ceux à qui on tend des embûches ; ce qui est bien plus que d'écarter le danger, ou d'en délivrer quand il (310) survient. C'est ce qu'il a fait dans la fournaise de Babylone. Il n'a pas empêché qu'on y jetât les trois saints, et quand ils y furent, il n'éteignit point la flamme ; mais il la laissa brûler pour les rendre par là même plus glorieux. A l'occasion des apôtres, il a fait constamment d'autres prodiges du même genre. S'il suffit à l'homme d'être sage pour savoir tourner en sens contraire la nature des choses, paraître au sein de la pauvreté plus a l'aise que les riches, et tirer de la gloire du mépris même dont ils sont l'objet; à bien plus forte raison Dieu peut-il en faire autant, et beaucoup plus encore, à l'égard de ceux qui l'aiment. Une seule chose est nécessaire : l'aimer sincèrement, et tout le reste vient à la suite. Et de même que les choses qui semblent nuisibles sont profitables à ceux qui l'aiment ; ainsi , celles qui sont utiles deviennent nuisibles à ceux qui ne l'aiment pas. Les miracles, la pureté des dogmes, la sagesse de la doctrine ont fait tort aux Juifs; à cause des miracles, ils appelaient le Christ démoniaque, à cause de sa doctrine ils le traitaient d'impie ; ils essayaient même de le faire mourir à raison de ses prodiges. D'autre part, le larron crucifié , percé de clous, accablé d'injures , souffrant des douleurs sans nombre; non-seulement n'en éprouva aucun dommage, mais en tira le plus grand profit. — Voyez-vous comme tout coopère au bien pour ceux qui aiment Dieu ?
Après avoir établi que c'est là un grand bien, un avantage qui surpasse de beaucoup la nature humaine, comme cela semblait incroyable à un grand nombre, il le confirme par le passé, en disant: «Pour ceux qui, selon son décret, sont appelés ». Considérez qu'il parle ainsi en présupposant la vocation. Pourquoi Dieu n'a-t-il pas dès l'abord appelé tous les hommes, ou pourquoi n'a-t-il pas appelé Paul avec les autres apôtres, puisque ce délai semblait désavantageux? Et pourtant l'événement a prouvé que ce délai était utile. Il parle ici de décret, pour ne pas tout attribuer à la vocation, parce que les Gentils et les Juifs auraient pu le contre-dire. Si en effet la vocation avait suffi, pourquoi tous n'étaient-ils pas sauvés?Voilà pourquoi il dit que ce n'est pas la vocation seule, mais le décret, qui a opéré le salut des élus : car la vocation n'imposait aucune nécessité, ne faisait point de violence. Tous donc étaient appelés, mais tous n'ont pas obéi. « Car ceux qu'il a connus par sa prescience, il les a aussi prédestinés à être cou« formes à l'image de son Fils ». Voyez-vous ce comble d'honneur? Ce que le Fils unique était par nature, ceux-ci le deviennent par grâce. Et cependant il ne se contente pas de dire « Conforme » ; il y ajoute encore autre chose : « Afin qu'il fût lui-même le premier né (29) ». Et il ne se borne encore pas là, car il ajoute : « Entre beaucoup de frères », voulant en tout montrer le lien de parenté. Mais comprenez bien que tout ceci s'entend de l'Incarnation; car, selon la divinité, le Christ est Fils unique.